“La formation ne doit pas être considérée comme un événement mais comme un processus pour être efficace”
Jonathan Pottiez est expert en évaluation des dispositifs de formation. Je l’ai interrogé sur l’efficacité des dispositifs digitaux.
Par Pierre Monclos – Le 30 octobre 2017
Jonathan Pottiez est expert en management de la formation et auteur du livre L’évaluation de la formation dont la 2e édition a été publiée en octobre 2017.
Comment peut-on évaluer l’efficacité des formations digitales ?
De façon générale, pour évaluer l’efficacité des formations, qu’elles soient digitales ou présentielles, il est courant de se référer au modèle de Kirkpatrick qui, datant de 1959, est désormais un grand classique de l’évaluation. Il propose d’évaluer une formation sur quatre niveaux :
• Niveau 1 – Réaction : les participants ont-ils réagi favorablement à la formation ?
• Niveau 2 – Apprentissage : les participants ont-ils acquis les connaissances, compétences et attitudes attendues ?
• Niveau 3 – Comportement : les participants utilisent-ils les acquis de la formation en situation de travail ?
• Niveau 4 – Résultats : quel est l’impact de la formation sur les résultats de l’organisation ?
Le modèle de KirkpatrickSi les niveaux 1 et 2 sont fréquemment évalués (par exemple à l’aide de questionnaires de satisfaction “à chaud” ou de questionnaires d’évaluation des connaissances), les niveaux 3 et 4 le sont bien plus rarement.
Ce modèle est utile pour déterminer ce que l’on attend d’une formation, ainsi que pour concevoir les méthodes et outils à mobiliser pour en évaluer l’efficacité : il peut s’agir de questionnaires, de guides d’entretien ou d’observation, d’indicateurs, etc. Le modèle a d’ailleurs été mis à jour en 2010 avec quelques apports majeurs : les quatre niveaux ont été enrichis et précisés, les conditions d’un fort transfert des acquis sont mises en exergue, le process du retour sur les attentes (ROE) est explicité.
Enfin, il est très important de noter que ce modèle est applicable à l’évaluation de toutes les formations, quelles qu’en soient les modalités : présentiel, e-learning, blended learning, micro learning, MOOC, COOC, SPOC… Pourquoi ? Parce que plus que la modalité, ce sont les livrables qui importent en priorité : quels sont les objectifs pédagogiques (niveau 2) ? Quels sont les comportements visés au poste de travail (niveau 3) ? Quels sont les résultats finaux attendus (niveau 4) ?
Les formations digitales sont-elles plus efficaces que les formations traditionnelles ?
Tout dépend ce que l’on entend par efficacité ! Régulièrement, je vois des résultats d’études démontrant que les formations digitales permettraient de mieux ancrer les connaissances. Cela serait notamment dû au qu’elles délivrent les contenus progressivement (par exemple des courtes séquences pédagogiques plutôt que des journées entières de formation), aux possibilités offertes par l’apprentissage adaptatif (permettant de personnaliser les parcours en fonction des résultats obtenus), etc. C’est donc un résultat satisfaisant, si l’on se contente du niveau 2 de Kirkpatrick… pas si l’on considère que la formation n’est terminée qu’une fois que la compétence acquise est mise en œuvre et démontrée en situation professionnelle (niveau 3)
Or, d’autres études montrent qu’il n’y a pas de causalité réelle entre les niveaux 2 et 3 du modèle : ce n’est pas parce que vous apprenez que vous allez transférer ! Des taux de transfert oscillant entre 10 à 30 % des acquis sont ainsi fréquemment avancés. Cela signifie que vous investissez 100 dans la formation et que vous n’en retirez réellement que 10 dans la moyenne basse. Piètre investissement
En réalité, quelle que soit la qualité de la formation et le niveau d’ancrage des connaissances, l’entreprise et les managers ne doivent pas négliger la phase délicate du retour de formation, qui doit coïncider avec la mise en application des nouvelles connaissances.
De par votre expérience, est-ce qu’il y a des formats qui fonctionnent mieux que d’autres en digital learning à ce niveau ?
La condition essentielle est de considérer la formation non pas comme un événement, mais comme un processus en trois temps :
• Avant la formation : une véritable préparation avant la formation avec une communication adéquate, des tests de positionnement pour vérifier les prérequis, etc.
• Pendant la formation : une formation de qualité avec des contenus pertinents, des occasions de tester les acquis, des échanges réguliers avec le formateur et les apprenants, etc.
• Après la formation : un véritable accompagnement après la formation avec un suivi, l’apport de ressources complémentaires pour aider à la mise en pratique, etc.
Si cela peut être compliqué et coûteux pour une formation purement présentielle, il est aisé ici de comprendre en quoi le digital peut faciliter la mise en œuvre de ces actions.
Le constat est donc simple : si elles sont bien conçues et intègrent pertinemment ces phases en amont et en aval de la formation, les formations digitales peuvent être plus efficaces que les formations traditionnelles, permettant notamment de stimuler l’engagement des apprenants tout au long de leur formation. Et si cela n’est pas le cas, les résultats ne seront pas au rendez-vous, en tout cas au niveau 3, ce qui est le Graal de nombreux responsables formation désormais.
De ce fait, les modules e-learning classiques ou les MOOC, tels qu’ils sont souvent dispensés, sont de mauvais élèves en matière de transfert des acquis… En revanche, les formats qui permettent de délivrer du contenu ciblé, au bon moment, pour aider le collaborateur à transférer ses acquis avec succès lorsqu’il se retrouve face à des défis à surmonter, sont à promouvoir. Je pense notamment au fait de continuer à accéder à des ressources suite à la formation (fiches de bonnes pratiques, courtes vidéos illustrant des exemples, etc.), à échanger avec les autres apprenants et avec le formateur pour faire part de ses difficultés et trouver des moyens d’y répondre, etc.
Le format des SPOC respectant la logique ATAWAD (any time, any where, any device), quand ils sont focalisés sur le transfert des acquis (niveau 3) et pas uniquement sur l’apprentissage (niveau 2), me semble aller dans le bon sens.
Que peut faire la responsable formation pour optimiser l’efficacité de ses formations ?
Beaucoup de choses !
Le minimum est déjà… de l’évaluer ! Comment peut-on optimiser sans mesurer ? Le responsable formation doit donc disposer du bon “thermomètre”, lui permettant de regarder au-delà des traditionnels taux de satisfaction, taux de complétion, taux de réussite aux questionnaires d’évaluation des connaissances… Alors que l’on parle fréquemment d’investissement-formation, il est paradoxal de mesurer la valeur de cet investissement à l’aune de ces seuls indicateurs. En rester là, donc aux niveaux 1 et 2 du modèle de Kirkpatrick, revient à ne s’intéresser qu’à la qualité de la formation : “c’était un bon produit… dont je ne me sers pas !” Cela ne correspond pas à l’efficacité de la formation, qui ne se mesure que sur le terrain, en entreprise, donc aux niveaux 3 et 4 du modèle de Kirkpatrick.
Cela étant fait, le responsable formation peut évaluer ce qui compte vraiment et identifier des moyens d’améliorer les résultats de ses formations. Cela peut passer par le fait de challenger ses prestataires de formation : que propose le prestataire de formation pour évaluer le transfert des acquis, le renforcer, l’encourager… ? Les prestataires en digital learning peuvent se démarquer ici de par la facilité avec laquelle ils peuvent collecter des données pertinentes et variées, analyser des résultats en temps réel… le tout pour prendre, avec leur client, des décisions permettant d’améliorer rapidement et significativement l’efficacité des formations.
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