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5 erreurs à éviter quand on gère un projet de rupture

Contrai­re­ment aux idées reçues, un projet de rupture demande du temps. Voici les 5 erreurs à ne pas commettre pour le mener au bout !

Par Philippe Silber­zahn – Le 9 mai 2017

Un projet de rupture ne se gère pas comme un projet clas­sique. Les nombreux entre­pre­neurs qui se lancent dans l’aven­ture sont souvent tentés de mettre la char­rue avant les bœufs. Pour être sûr de mener votre idée à terme, voici les 5 erreurs à éviter dans la gestion de votre projet de rupture.

Extrait de la vidéo de forma­tion MOOC Inno­va­tion de Rupture

Prendre la déci­sion d’au­to­no­mi­ser l’en­tité abri­tant l’in­no­va­tion de rupture est un choix impor­tant pour une entre­prise. Se pose alors la ques­tion des moyens qu’elle met en oeuvre pour maxi­mi­ser les chances de succès de ce projet nova­teur.

Un projet de rupture logé dans une entité auto­nome n’est au fond rien d’autre qu’un projet entre­pre­neu­rial clas­sique, si ce n’est qu’il est mené au sein d’une entre­prise exis­tante. Il faut donc éviter au moins cinq erreurs.


Première erreur : aller trop vite

Cher­cher à passer à l’échelle trop vite, c’est condam­ner le projet à l’échec. L’exi­gence du passage à l’échelle rapide résulte d’un impé­ra­tif de taille lié au besoin de crois­sance. Plus la taille de l’en­tre­prise est grande, plus le marché sur lequel elle devra se lancer devra être impor­tant pour corres­pondre à ses objec­tifs de crois­sance. Or par défi­ni­tion, il n’existe pas de nouveau marché qui soit très grand.

Le résul­tat c’est que lorsqu’elle consi­dère un inves­tis­se­ment dans un nouveau marché, la grande entre­prise pous­sera pour que les projets inno­vants atteignent très vite une taille suffi­sante pour contri­buer de façon signi­fi­ca­tive à leur crois­sance visée.

Néan­moins cette approche repose sur une croyance fausse selon laquelle le déve­lop­pe­ment d’un projet d’in­no­va­tion de rupture est linéaire.

Non seule­ment les nouveaux marchés commencent par être très petits, mais ils ont égale­ment tendance à le rester assez long­temps. Il y a donc une discon­ti­nuité fonda­men­tale dans la nais­sance d’une inno­va­tion : 

  • d’abord, on assiste à une première période d’in­cu­ba­tion incom­pres­sible,
  • ensuite, si cette incu­ba­tion est réus­sie, on peut envi­sa­ger un passage à l’échelle ouvrant sur la crois­sance. On ne peut pas forcer cette période d’in­cu­ba­tion sans risquer de tuer le projet.


Deuxième erreur : singer l’en­tre­pre­neu­riat en échouant vite

Une approche qui se déve­loppe dans l’en­tre­pre­neu­riat est celle d’échouer vite (fail early). En substance, l’idée est que comme on ne peut pas trop savoir où l’on va, il faut essayer quelque chose, voir rapi­de­ment si ça marche et si ça ne marche pas, aban­don­ner et essayer autre chose. Cette idée est sédui­sante mais dange­reuse car elle repose sur une concep­tion impli­cite, mais erro­née, du proces­sus d’in­no­va­tion.

L’inno­va­tion est un proces­sus social dans lequel l’ac­tion de l’in­no­va­teur consiste à créer un nouveau réseau de valeur consti­tué d’un ensemble d’ac­teurs (clients, four­nis­seurs, préco­ni­sa­teurs, parte­naires, régu­la­teurs, etc.) qui deviennent parties prenantes au projet. La nature sociale de la démarche de l’in­no­va­teur en fait donc un proces­sus extrê­me­ment complexe et fasti­dieux. Cela prend du temps. Ça marche rare­ment du premier coup. Arrê­ter dès le premier échec c’est s’em­pê­cher d’ap­prendre et de réus­sir. Si Nestlé avait appliqué cette règle, il n’y aurait sans doute jamais eu de Nespresso.

Au lieu d’échouer vite, il faut apprendre à réus­sir lente­ment.

Troi­sième erreur : tout faire pour être le premier

On croit souvent qu’il faut être le premier sur un marché pour réus­sir. C’est ce que déve­loppe l’ap­proche « Océan bleu » par exemple. Or histo­rique­ment, ce sont rare­ment les premiers sur un marché qui en sont deve­nus les leaders. Ainsi, Gillette est arrivé une bonne ving­taine d’an­née après les premiers rasoirs en T. 

Apple a lancé l’iPhone près de 30 ans après les premiers télé­phones mobiles. Sauf dans certains marchés où la notion de base instal­lée peut bloquer de nouveaux entrants tardifs, comme les systèmes d’ex­ploi­ta­tion, ce qui est impor­tant n’est pas d’être le premier, mais d’ar­ri­ver avec le bon produit qui fera bascu­ler le marché.


Quatrième erreur : mal mesu­rer la progres­sion

La mesure de progres­sion du projet d’in­no­va­tion de rupture est extrê­me­ment impor­tante. Dans ce domaine, deux erreurs peuvent être commises. 

  • La première, c’est de gérer le projet comme un projet d’in­no­va­tion continu. Or un projet d’in­no­va­tion de rupture est fonda­men­ta­le­ment diffé­rent. Le gérer de la même manière, c’est le condam­ner rapi­de­ment à l’étouf­fe­ment. 
  • La seconde erreur, c’est d’aban­don­ner toute velléité de gestion au titre que l’in­no­va­tion, ça ne se gère pas. Mais c’est prendre le risque que rien ne sorte des labo­ra­toires. Il faudra donc déve­lop­per un système de mesure spéci­fique pour gérer la progres­sion d’un projet d’in­no­va­tion. Il n’y a pas de système idéal, il faut le déve­lop­per de manière empi­rique.


Cinquième erreur : mal staf­fer le projet

 

Choi­sir le ou la respon­sable du projet de rupture est très impor­tant. Ici, il faudra résis­ter à confier la respon­sa­bi­lité du projet à un «  talent ». Bien souvent, ce qu’on appelle talent au sein d’une entre­prise, c’est le géné­ral de la dernière guerre, le bon élève de l’an­cienne acti­vité qui a progressé jusqu’au sommet en évitant de prendre des risques et en déve­lop­pant une grande compé­tence poli­tique. Ce n’est pas ce dont le projet de rupture a besoin. Ce dont il a besoin c’est quelqu’un qui accepte de prendre des risques, qui est à l’aise avec des situa­tions ambi­guës, etc. en bref, il ne faut pas un carrié­riste, mais un entre­pre­neur.


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