Le coin des experts

Muta­tions du travail : quel avenir pour le marché de l’em­ploi ?

Quelles sont les muta­tions actuelles du travail et comment trans­forment-t-elles en profon­deur notre rapport à l’em­ploi et à l’en­tre­prise ?

Par Denis Pennel – Le 9 mars 2017


Quelles sont les nouvelles muta­tions du travail ? Les free­lances vont-ils finir par supplan­ter les sala­riés ? Quels sont les grands chan­tiers à entre­prendre pour trans­for­mer le marché de l’em­ploi ? Et comment le digi­tal trouve sa place au milieu de tous ces chan­ge­ments ? Pano­ra­mas de ces nouvelles évolu­tion avec Denis Pennel.



Extrait de la vidéo de forma­tion Travail Flexible

Denis Pennel est direc­teur géné­ral de la Confé­dé­ra­tion Inter­na­tio­nale des Entre­prises de Recru­te­ment et d’In­té­rim. Il est à la fois un auteur, un défri­cheur, un influen­cer et un mana­ger. Son domaine d’ex­per­tise est le travail. Il écrit des livres et des articles sur la théma­tique de l’em­ploi et du travail. Il aime étudier et anti­ci­per les muta­tions du marché de l’em­ploi. Enfin, en tant que direc­teur d’une confé­dé­ra­tion, son rôle est aussi d’es­sayer d’in­fluen­cer les déci­deurs poli­tiques.


Quel est votre regard sur les muta­tions du monde du travail ?

Actuel­le­ment nous vivons moins une crise de l’em­ploi qu’une révo­lu­tion du travail. Cela peut paraître contra­dic­toire car on a aujour­d’hui en France entre 3 et 5 millions de chômeurs. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt et ce chômage est dû à une mauvaise conjonc­ture écono­mique, mais surtout à des muta­tions struc­tu­relles qui inter­viennent sur le marché de l’em­ploi.

L’une de ces muta­tions corres­pond au fait que l’on a atteint le point culmi­nant du sala­riat. Aujour­d’hui, la rela­tion de subor­di­na­tion met l’in­di­vidu par rapport à l’em­ployeur dans une situa­tion de servi­tude volon­taire. Celle-ci ne corres­pond plus aux attentes, et notam­ment celles des jeunes géné­ra­tions. On veut plus d’au­to­no­mie, de liberté et de respon­sa­bi­lité dans le travail. Cette rela­tion du travail risque de connaître une décrois­sance au profit du travail indé­pen­dant qui lui va se déve­lop­per.

Qui dit travail indé­pen­dant, dit multi-acti­vi­tés. Alors que nos parents ont fait toute leur carrière dans la même entre­prise, actuel­le­ment on peut cumu­ler une dizaine de postes sur une carrière. Et les jeunes géné­ra­tions auront égale­ment plusieurs emplois mais en même temps. Il jongle­ront entre un peu d’Uber, un peu d’Hop­work, un peu d’AirBnb et une acti­vité sala­riale à temps partiel. Ils cumu­le­ront plusieurs acti­vi­tés profes­sion­nelles qui ne seront pas forcé­ment des emplois fixes en CDI, dans la même entre­prise.

Mutations du travail et multi-activités


Qu’en est-il de nos attentes vis-à-vis du travail ?

Dans les muta­tions du travail, il y a un critère très impor­tant qui rentre compte : c’est l’évolu­tion des attentes par rapport au travail lui-même. Là encore, cela concerne beau­coup les jeunes géné­ra­tions mais pas unique­ment. On voit quand même que le travail reste un élément essen­tiel dans nos vies en tant que facteur d’épa­nouis­se­ment person­nel. Mais avec des attentes encore plus fortes, car les gens veulent pouvoir se réali­ser au travail. C’est vrai qu’aujour­d’hui, les gens acceptent plus diffi­ci­le­ment un travail alimen­taire, avec des horaires de bureau, où l’on est là unique­ment pour gagner de l’ar­gent. Les gens ont vrai­ment le souhait de s’ac­com­plir dans leur travail avec par consé­quent des attentes très élevées par rapport au travail.

Mais qui dit attente élevée dit frus­tra­tion élevée, si le travail ne remplit pas cette fonc­tion. Il ne faut pas croire à la théo­rie de la fin du travail et au fait que certaines personnes n’ont plus envie de travailler, notam­ment chez les jeunes. En fait les jeunes veulent travailler mais veulent surtout trou­ver du sens dans leur travail avec des exigences très élevées, de l’au­to­no­mie et des respon­sa­bi­li­tés. On y retrouve un peu tout et son contraire mais c’est juste­ment ce qui est inté­res­sant dans l’évo­lu­tion actuelle du marché du travail.


En quoi le digi­tal est-il respon­sable de ces muta­tions ?

Les nouvelles tech­no­lo­gies jouent un double rôle par rapport aux muta­tions du travail ou ce que l’on appelle parfois la digi­ta­li­sa­tion du travail. Le digi­tal est à la fois une cause mais égale­ment un accé­lé­ra­teur des évolu­tions que l’on observe sur le marché du travail.

Alors une cause, parce-que grâce à ces nouvelles tech­no­lo­gies le travail s’est déma­té­ria­lisé. Les nouvelles tech­no­lo­gies ont permis de libé­rer le travail de la loi de la pesan­teur. Autre­fois, c’était compliqué pour un ouvrier travaillant chez Renault de rame­ner une porte à termi­ner le soir chez lui. Aujour­d’hui avec les nouvelles tech­no­lo­gies et l’ac­cès aux mails ou nos fichiers quel que soit l’en­droit où on se trouve, le travail a perdu son unité de temps et de lieu. Vous pouvez travailler n’im­porte quand et n’im­porte où, puisque tous vos fichiers sont acces­sibles en perma­nence. La nature même du travail a changé du fait de cette « mobi-quité ». Nous sommes tous mobiles main­te­nant, on reste connec­tés 24H/24 et on a donc ce don d’ubiquité aussi dans le monde du travail.

Freelance : l'avenir du travail ?


Et les plate­formes dans tout ça ?

L’autre grande trans­for­ma­tion qu’ap­porte la digi­ta­li­sa­tion dans le monde du travail, c’est cette écono­mie des plate­formes qui font de l’in­ter­mé­dia­tion sur le marché du l’em­ploi. Uber, Upwork, Hopwork ou Amazon Mecha­ni­cal Turk  créent égale­ment une révo­lu­tion dans le marché du travail puisque grâce à celles-ci, vous pouvez décro­cher des missions. On parle même aujour­d’hui de human cloud.

Si vous avez un site inter­net à conce­voir, vous allez pouvoir mettre ce projet sur une plate­forme et c’est sans doute quelqu’un qui va être basé en Chine ou en Inde qui va réali­ser cette mission pour vous. On voit là-encore cette idée de délo­ca­li­sa­tion du travail. Ou autre­ment dit le fait que le travail n’est plus forcé­ment un endroit où l’on se rend, mais plutôt une tâche à accom­plir. Et cette tâche peut être faite virtuel­le­ment dans les nuages à travers ces plate­formes numé­riques. Une nouvelle façon de contrac­ter le travail se déve­loppe, avec de nouvelles oppor­tu­ni­tés pour des travailleurs indé­pen­dants.


Quel est votre vision de l’ave­nir ?

Le grand enjeu pour le monde du travail c’est de libé­rer le travail de l’em­ploi. Au XXème siècle, on a fait un paral­lèle exclu­sif entre travail et emploi. Et qui dit emploi, dit rela­tion de travail sala­rial.

Au XXIème siècle ce modèle ne sera plus domi­nant et lais­sera peu à peu la place au free­lance. Il faut donc permettre cette évolu­tion. Or aujour­d’hui, notre code du travail est beau­coup trop stricte sur l’ac­ti­vité de travail sala­rial. Il faut ouvrir de nouvelles portes au travail, en permet­tant à des gens de travailler dans de nouvelles formes d’em­ploi qui ne seront pas forcé­ment sala­riales. Il faut libé­rer le travail de toutes ces contraintes sans pour autant déré­gle­men­ter à tout va. Il va falloir revoir notre code du travail pour l’as­sou­plir et lui permettre de faci­li­ter ces nouvelles formes d’em­ploi.

Mais il faudra aussi assu­rer aux travailleurs une protec­tion mini­male et cela va proba­ble­ment passer par un rappro­che­ment entre le statut du travail sala­rial et du travail indé­pen­dant, pour qu’il y est un nivel­le­ment par le haut de protec­tions sociales et de la protec­tion juri­dique du travailleur, quel que soit son statut.

Comment protéger ces nouvelles formes de travail ?


Faudra-t-il repen­ser la protec­tion sociale ?

Un autre grand enjeu va être de créer de nouveaux filets de sécu­rité pour les travailleurs multi-actifs et sans doute non sala­rié de demain. Il va falloir revoir notre système de protec­tion sociale pour l’adap­ter à cette nouvelle réalité car beau­coup de gens ne seront plus sala­riés. Ce n’est pas pour cela qu’ils ne doivent plus avoir accès à une protec­tion sociale, que ce soit en terme de sécu­rité sociale ou pour capi­ta­li­ser en vue d’une retraite. Cela passera peut-être par une fusion des régimes de sécu­rité sociale pour les sala­riés et les indé­pen­dants, pour que tout en ayant plusieurs acti­vi­tés profes­sion­nelles en même temps, vous ayez quand même une couver­ture sociale qui soit satis­fai­sante et protec­trice pour le travailleur.

Vous souhai­tez en apprendre plus à vos colla­bo­ra­teurs sur les muta­tions du travail à l’heure du digi­tal ?

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