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Basics #4 Lien social en forma­tion à distance

Dans la série des Basics des Sciences de l’édu­ca­tion de Unow, regar­dons les moyens de susci­ter du lien social en forma­tion à distance, des inter­ac­tions.

Par Laura Hélie et Eléo­nore Vrillon – Le 4 février 2021

Résumé 

  1. La socia­li­sa­tion est clé dans une forma­tion ; elle se traduit par des inter­ac­tions réci­proques entre appre­nants et avec le forma­teur. Néan­moins, il arrive parfois que l’ap­pre­nant ressente un fort isole­ment par manque d’échanges.
  2. L’iso­le­ment est un facteur impor­tant de l’aban­don en forma­tion. Les formats à distance sont d’au­tant plus concer­nés, car ils complexi­fient l’ini­tia­tion et l’en­tre­tien du lien social.
  3. Les inter­ac­tions en forma­tion sont très impor­tantes pour Unow, qui privi­lé­gie le “Social Lear­ning”. Les acti­vi­tés péda­go­giques, la dispo­ni­bi­lité des tuteurs et d’autres projets à venir permettent de mobi­li­ser ces échanges et sortir l’ap­pre­nant de l’iso­le­ment.
  4. On pour­rait aller plus loin avec le rôle clé du tuteur pour initier des échanges entre appre­nants, et en prenant soin de poser un cadre de parole libre et bien­veillante pour encou­ra­ger le senti­ment d’ap­par­te­nance à une commu­nauté appre­nante.


Qu’est ce que c’est ?

La socia­li­sa­tion et l’iso­le­ment

Une forma­tion est toujours un lieu d’échanges; c’est le cas pour le forma­teur comme pour l’ap­pre­nant, et d’au­tant plus si la forma­tion s’adresse à un groupe de parti­ci­pants.

La socia­li­sa­tion est un élément clé de la forma­tion : elle se traduit par des inter­ac­tions et une néces­saire réci­pro­cité, permet­tant parfois aux indi­vi­dus d’ac­qué­rir des savoirs en dehors du cadre péda­go­gique (Bordes, 2014). Une confiance mutuelle se déve­loppe lors des acti­vi­tés et partages d’ex­pé­riences, et vient enri­chir le proces­sus d’ap­pren­tis­sage.

Néan­moins, il arrive que la forma­tion ait l’ef­fet inverse et accen­tue un senti­ment d’iso­le­ment de l’ap­pre­nant. Même si cet isole­ment est parfois volon­taire, un manque de lien social et de soutien par le forma­teur ou par les pairs peut être source de désin­té­rêt ou de perte de confiance pour l’ap­pre­nant. Il peut alors négli­ger voire aban­don­ner sa forma­tion (Dussarps, Paque­lin, 2014).


Spéci­fi­cité des forma­tions à distance

L’iso­le­ment et la socia­li­sa­tion sont iden­ti­fiés comme des facteurs impor­tants d’aban­don en forma­tion (Grosjean, 2005). Les forma­tions à distance sont d’au­tant plus concer­nées, car leur format a tendance à complexi­fier l’ini­tia­tion et l’en­tre­tien d’un lien social entre appre­nants et avec le forma­teur.

Un grand nombre de forma­tions à distance proposent prin­ci­pa­le­ment, voire exclu­si­ve­ment, des moda­li­tés d’échanges par écrit et asyn­chrones. Le fait d’échan­ger quasi­ment exclu­si­ve­ment à l’écrit peut rassu­rer certains appre­nants qui peuvent se sentir proté­gés, mais il peut aussi les mettre en situa­tion d’in­con­fort ou de stress. C’est le cas lorsqu’un appre­nant n’est pas à l’aise à l’écrit, a peur de se trom­per et que ses erreurs soient immor­ta­li­sées dans un forum (Dussarps, Paque­lin, 2015).

➪  Les forma­tions à distance ont tendance à être plus adap­tées aux appre­nants indé­pen­dants et confiants dans leurs capa­ci­tés.

Le contact physique n’est pas indis­pen­sable pour permettre une bonne rela­tion péda­go­gique, néan­moins, il peut être diffi­cile pour un appre­nant d’être respon­sable de ses inter­ac­tions. C’est souvent à lui de faire le premier pas dans un forum vide, ou d’en­ga­ger un échange sans en connaître les inter­lo­cu­teurs, ni les codes (sous quelles moda­li­tés le faire, avec qui, avec quel registre, etc.).


Pourquoi c’est impor­tant ? 

Des réper­cus­sions sur tous

Un fort senti­ment d’iso­le­ment subi (non volon­taire) peut avoir des réper­cus­sions néga­tives sur l’ap­pre­nant : décou­ra­ge­ment, démo­ti­va­tion. C’est d’au­tant plus le cas lorsque la commu­ni­ca­tion est atten­due et valo­ri­sée en amont.

Cela peut aussi avoir des réper­cus­sions sur la dyna­mique de groupe; par exemple, des contacts peu fréquents ou inexis­tants peuvent amener un appre­nant à avoir une repré­sen­ta­tion néga­tive de ses pairs, voire de leur prêter des inten­tions : juge­ment, malveillance, etc.

 

Un lien profond avec l’en­ga­ge­ment

Plusieurs études ont montré que le senti­ment d’ap­par­te­nance lié à une accep­ta­tion sociale, et de bons échanges avec les autres en forma­tion a une influence posi­tive sur la moti­va­tion et la persé­vé­rance de l’ap­pre­nant dans son appren­tis­sage (Jézé­gou, 2010).

Dussarps et Paque­lin (2015) soulignent l’im­por­tance du lien social avec le forma­teur dans la préven­tion de l’aban­don en forma­tion en à distance. Ils défi­nissent 4 profils d’ap­pre­nants, en fonc­tion du type de rela­tions sociales qu’ils entre­tiennent :

Isolés + Compen­sa­teurs = 2/3 des aban­dons en forma­tion

Les liens avec le forma­teur et avec les pairs restent impor­tants, et viennent parfois se compen­ser : un accom­pa­gne­ment person­na­lisé par le forma­teur peut compen­ser un isole­ment vis-à-vis des pairs (Exclu­sifs), et un soutien par les pairs peut rattra­per un lien incom­plet avec le forma­teur (Compen­sa­teurs).

Comment Unow le met en place ?

Encou­ra­ger les inter­ac­tions

Les inter­ac­tions avec les forma­teurs experts sont nombreuses chez Unow, qui encou­rage le “Social Lear­ning”. Le forma­teur répond en commen­taire à tous les appre­nants, en donnant son feed­back bien­veillant et mobi­lise ainsi la dimen­sion socio-cogni­tive de l’ac­com­pa­gne­ment, en posant des ques­tions d’ou­ver­tures, qui encou­ragent une réponse réci­proque de l’ap­pre­nant. Il accen­tuera égale­ment le lien socio-affec­tif en montrant un enga­ge­ment person­nel dans ses réponses : “J’ai hâte de vous lire !” (Gref­fier, 2010)

Toutes les forma­tions Unow invitent les parti­ci­pants à se présen­ter en commen­taires au début de leur appren­tis­sage; ils peuvent ainsi parta­ger leurs moti­va­tions et leurs objec­tifs.

En consul­tant les présen­ta­tions des autres, ils constatent qu’ils ne sont pas seuls et peuvent plus faci­le­ment accor­der leur confiance aux autres, ce qui rendra plus facile d’ini­tier des échanges plus tard dans la forma­tion.

L’in­gé­nie­rie de forma­tion mobi­lise égale­ment la péda­go­gie colla­bo­ra­tive : acti­vi­tés coopé­ra­tives, débats, partages d’ex­pé­riences. Ces éléments permettent d’ini­tier des conver­sa­tions et d’en­cou­ra­ger le senti­ment d’ap­par­te­nance à une commu­nauté.

Les classes virtuelles propo­sées aux appre­nants permettent d’ini­tier ou de renfor­cer des liens déjà créés dans la forma­tion. Ils peuvent échan­ger avec leur forma­teur et leurs pairs de manière synchrone, ce qui renforce le senti­ment d’au­then­ti­cité et de bien­veillance des échanges.

Mise en place de projets

On est conscients chez Unow de l’im­por­tance du lien social en forma­tion. Pour l’en­cou­ra­ger encore plus, plusieurs projets sont en cours pour amélio­rer les échanges inter­ac­tifs avec les appre­nants comme avec les experts.

L’ex­pé­ri­men­ta­tion d’un format blen­ded présen­tant une partie présen­tielle complé­men­taire au SPOC, qui permet d’al­lier échanges synchrones et asyn­chrones sur la même forma­tion, et ainsi faci­li­ter le senti­ment de commu­nauté appre­nante.

Un mouve­ment vers le réseau social d’ap­pren­tis­sage, avec la mise en place d’un trom­bi­no­scope permet­tant à l’ap­pre­nant d’avoir une vision de ses pairs par leur photo de profil, la possi­bi­lité de tagguer un autre parti­ci­pant pour l’in­ter­pel­ler. Égale­ment, la mise en place d’une messa­ge­rie pour échan­ger avec son forma­teur, une alter­na­tive aux commen­taires publics, qui pour­rait béné­fi­cier aux appre­nants moins confiants.


Comment on pour­rait aller plus loin ?

Le tuteur indis­pen­sable

Lorsque le lien social ne se crée pas natu­rel­le­ment, notam­ment en forma­tion à distance, il faut encou­ra­ger le forma­teur-tuteur à prendre conscience de son influence pour assu­mer la respon­sa­bi­lité d’ini­tier les échanges entre appre­nants en prêtant atten­tion à ses messages (Gref­fier, 2010).

Il peut ainsi déve­lop­per la dyna­mique colla­bo­ra­tive de la commu­nauté, en encou­ra­geant l’in­ter­ac­tion : “Votre réponse semble en conflit avec celle de Jérôme, que pensez-vous de son retour d’ex­pé­rience ?”.

Le tuteur doit assu­mer plusieurs rôles de soutien : péda­go­gique, social et tech­nique.

Il doit en géné­ral soigner sa commu­ni­ca­tion écrite puisque les échanges asyn­chrones en forma­tion à distance ne renvoient pas de signes non verbaux qui pour­raient nuan­cer ou “enve­lop­per” ses propos. Une rela­tion péda­go­gique de qualité n’a pas besoin d’un contact physique, néan­moins, des cher­cheurs comme J. Maurin notent que « l’éloi­gne­ment impose une rigueur accrue dans le proces­sus d’écoute et de prise de parole. » (Maurin, 2004).

Soute­nir la commu­nauté appre­nante

Il paraît capi­tal pour soute­nir les appre­nants et leur enga­ge­ment en forma­tion que ceux-ci se sentent appar­te­nir à une commu­nauté. Ce senti­ment d’ap­par­te­nance à un groupe est complexe à initier; lorsqu’il n’y a aucun contact présen­tiel, les appre­nants démarrent avec un défi­cit socio-affec­tif initial, qu’il faut compen­ser au fil de la forma­tion (Grosjean, 2005).

La commu­nauté appre­nante regroupe à la fois les appre­nants, le(s) dispo­si­tif(s) et le(s) forma­teur(s). Ceux-ci vont pouvoir montrer leur “présence” dans cette commu­nauté à travers trois dimen­sions commu­ni­ca­tion­nelles (Petit, 2014).

La forma­tion doit donc s’as­su­rer de poser un cadre de confiance mutuelle et de bien­veillance pour faci­li­ter les échanges. La commu­nauté appre­nante se déve­loppe réel­le­ment dans une atmo­sphère où la parole de chacun est accueillie et encou­ra­gée. 


Sources et + 


ALBERO, B., KAISER, A. (2009), “Atti­tudes et préfé­rences des usagers face à la forma­tion ouverte et à distance”, Distances et savoirs, 2009/1, vol. 7, pp 31–37 Dispo­nible ici

BORDES, V. (2014), “Socia­li­sa­tion profes­sion­nelle”, dans JORRO, A. (2014), Diction­naire des concepts de la profes­sion­na­li­sa­tion, De Boeck Supé­rieur, pp. 295–300

DUSSARPS, C., PAQUE­LIN, D. (2014) “L’aban­don en forma­tion à distance : analyse socio-affec­tive”, Présen­ta­tion effec­tuée lors du colloque JOCAIR (Paris), Dispo­nible ici

DUSSARPS, C., PAQUE­LIN, D. (2015), “Pratiques sociales en forma­tion à distance”, Netcom, 28–3/4 | 2014, 257–268. Dispo­nible ici

ENEAU, J., SIMO­NIAN, S. (2009), “Construire la confiance pour construire les savoirs”,  Educa­tion et Forma­tion, Paris : Minis­tère de l’édu­ca­tion natio­nale, de l’en­sei­gne­ment supé­rieur et de la recherche, pp.41–53 Dispo­nible ici

GREF­FIER, F. (2010), “Une lecture des messages écrits par le tuteur en rapport avec la réus­site en FOAD”, Distances et savoirs, 2010/4, vol. 8, pp 541–563 Dispo­nible ici

GROSJEAN, S. (2005), Le rôle du tuteur en ligne dans l’éta­blis­se­ment d’un lien

social : le cas de l’ap­pren­tis­sage colla­bo­ra­tif à distance, Paris: HAL. Dispo­nible ici

JEZE­GOU, A. (2010), “Se former à distance : regard sur les stra­té­gies d’au­to­ré­gu­la­tion envi­ron­ne­men­tale d’étu­diants adultes”, Savoirs, Paris: L’Har­mat­tan, 3, n° 24, pp. 79–99 Dispo­nible ici

MAURIN, J. (2004), « Les enjeux psycho­lo­gique de la mise à distance en forma­tion », Distances et Savoirs, n° 2–3, pp. 183–204.

MOLI­NARI, G., AVRY, S., CHANEL, G. (2017), “Les émotions dans les situa­tions de colla­bo­ra­tion et d’ap­pren­tis­sage colla­bo­ra­tif média­ti­sées par ordi­na­teur”, Raisons Éduca­tives, 2017/1, 21, pp 175–190 Dispo­nible ici

PETIT, M. (2014), “Assu­rer la présence en forma­tion à distance ou hybride: des résul­tats de recherche pour orien­ter la concep­tion de forma­tions”, Présen­ta­tion au Colloque CIRT@ 2014 [En ligne] Dispo­nible ici

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