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L’ef­fi­ca­cité de la forma­tion profes­sion­nelle en France : enjeux et états des lieux

Évaluer l’ef­fi­ca­cité de la forma­tion profes­sion­nelle est un enjeu de premier ordre, tant pour les États, que pour les acteurs écono­miques et les indi­vi­dus.

Par Éléo­nore Vrillon – Le 24 janvier 2019

Intro­duc­tion

La forma­tion profes­sion­nelle consti­tue, en France comme dans la majo­rité des pays euro­péens, un enjeu de premier plan. Elle repré­sente en effet un pilier de la crois­sance écono­mique au sein de la “société de la connais­sance” (CE, 2000). Dans un contexte de muta­tions constantes et rapides, cet inves­tis­se­ment en “capi­tal humain” (Becker, 1964) doit en effet permettre de susci­ter l’in­no­va­tion, d’ac­croître la produc­ti­vité, de soute­nir la compé­ti­ti­vité des entre­prises et des États (Foray, 2009). Pour les indi­vi­dus, la forma­tion profes­sion­nelle est tout autant déter­mi­nante car elle condi­tionne l’in­té­gra­tion profes­sion­nelle, le main­tien de l’em­ploya­bi­lité et doit permettre de sécu­ri­ser leurs trajec­toires profes­sion­nelles (CE, 2007). 

L’éva­lua­tion de l’ef­fi­ca­cité de la forma­tion profes­sion­nelle est ainsi un enjeu de premier ordre, tant pour les États, que pour les acteurs écono­miques et les indi­vi­dus. Il s’agit d’un outil de régu­la­tion déter­mi­nant des dépenses et actions réali­sées à cet effet. Or, en la matière, on ne peut que consta­ter de grandes dispa­ri­tés ainsi qu’une inégale qualité des méthodes et résul­tats d’éva­lua­tion. Plus géné­ra­le­ment, on observe une certaine faiblesse de leur mise en pratique par les orga­nismes de forma­tion profes­sion­nelle ou les entre­prises. Le constat soulevé par la cour des Comptes d’une “introu­vable” et “lacu­naire” évalua­tion de la forma­tion profes­sion­nelle reste d’ac­tua­lité (2007). 

Comment comprendre une telle faiblesse compa­ra­ti­ve­ment aux enjeux stra­té­giques et au coût de la forma­tion profes­sion­nelle ?


L’ef­fi­ca­cité de la forma­tion profes­sion­nelle : une ques­tion de points de vue

Rappe­lons, pour commen­cer, que si la forma­tion profes­sion­nelle fait en France l’objet d’une obli­ga­tion légale de dépenses pour les entre­prises, qui y consacrent d’im­por­tants budgets, il n’est en revanche pas obli­ga­toire d’éva­luer ces actions de forma­tion.
Pour autant, l’ab­sence de contraintes légales ne saurait être le seul élément expliquant la faiblesse de l’éva­lua­tion de l’ef­fi­ca­cité de la forma­tion profes­sion­nelle en France. 

Cher­cher à évaluer l’ef­fi­ca­cité de la forma­tion profes­sion­nelle implique une acti­vité réflexive. Cette démarche néces­site en premier lieu d’iden­ti­fier les parties-prenantes impliquées dans les actions de forma­tion. Il faut ainsi se deman­der :

  • Pour qui une forma­tion profes­sion­nelle est-elle effi­cace ?
  • Qui sont ces parties prenantes ? S’agit-il des sala­riés, des entre­prises, des service de forma­tion, des concep­teurs de forma­tions… ? 
  • Quels sont les objec­tifs qu’ils pour­suivent ?

En se posant ces premières ques­tions, l’éva­lua­teur est en mesure de spéci­fier son action, d’adap­ter son proto­cole et ses indi­ca­teurs d’éva­lua­tion.
Illus­trons le propos. 

En France, l’État est un acteur central de la forma­tion profes­sion­nelle. Il déter­mine le cadre légal des actions menées et les encou­rage auprès des diffé­rents acteurs concer­nés. Ses objec­tifs sont, entre autres, de géné­ra­li­ser le recours à la forma­tion profes­sion­nelle afin de réduire le chômage, de faci­li­ter l’ac­cès à l’em­ploi ou encore de main­te­nir l’em­ploya­bi­lité et de sécu­ri­ser les parcours profes­sion­nels de ceux en emploi (Béduwé, 2015).

Pour une entre­prise, l’in­ves­tis­se­ment en forma­tion peut être orienté vers deux grands types de fina­li­tés (Véro & Sigot, 2017) : 

  • Vers l’en­tre­prise (par exemple pour amélio­rer le chiffre d’af­faires géné­ral, rester compé­ti­tive à l’aide du main­tien d’une main d’oeuvre haute­ment quali­fiée, inno­vante, etc.)
  • Vers les sala­riés (par exemple pour soute­nir ou faire progres­ser la satis­fac­tion des sala­riés dans l’exer­cice de leur emploi à l’aide de mobi­li­tés promo­tion­nelles).

Au sein de l’en­tre­prise, les respon­sables des ressources humaines ou les respon­sables de forma­tion concré­tisent ces direc­tives géné­rales. Ils doivent être en mesure de sélec­tion­ner et de consti­tuer un cata­logue de forma­tions perti­nent pour répondre aux besoins de forma­tion iden­ti­fiés des sala­riés (et les recueillir en amont) tout en répon­dant aux objec­tifs écono­miques de l’en­tre­prise (en termes de coûts et de stra­té­gies). 

De leur côté, les indi­vi­dus qui se forment pour­suivent géné­ra­le­ment deux grands types objec­tifs : 

  • Le premier, d’ordre écono­mique, recouvre les volon­tés d’amé­lio­rer les condi­tions objec­tives d’em­ploi (avoir un meilleur salaire, obte­nir une promo­tion, etc.). 
  • Le second est plus subjec­tif et iden­ti­taire, comme l’illustre l’enquête de Stevens (2013). L’en­trée en forma­tion est, par exemple, vécue comme un moyen de concré­ti­ser des aspi­ra­tions de forma­tion non satis­faites, de redon­ner du sens à son emploi, d’ob­te­nir de la recon­nais­sance, etc.   

Enfin, pour des concep­teurs de forma­tion, experts ou forma­teurs, l’objec­tif recher­ché dans la produc­tion d’une forma­tion est bien de permettre une montée en compé­tences des futurs inscrits en propo­sant un dispo­si­tif péda­go­gique soute­nant l’ap­pren­tis­sage. 

Lorsque l’on consi­dère les diffé­rentes parties prenantes de la forma­tion, on comprend que chacun pour­suit des objec­tifs qui leur sont propres. Il existe une diver­sité de motifs, justi­fiant l’in­ves­tis­se­ment en forma­tion, qui ne peuvent être mises sur le même plan. Il est donc diffi­cile de parler de manière géné­rique de “l’ef­fi­ca­cité de la forma­tion profes­sion­nelle”. Abid-Zarrouk distingue, à ce titre, l’”effi­ca­cité insti­tu­tion­nelle” de l’”effi­ca­cité indi­vi­duelle” (2013). En résumé, l’ef­fi­ca­cité d’une forma­tion profes­sion­nelle appa­raît être éminem­ment rela­tive aux objec­tifs pour­sui­vis par chacun des acteurs impliqués dans une forma­tion profes­sion­nelle. 

L’ef­fi­ca­cité : une ques­tion de mesures 

Mais la diffi­culté de l’éva­lua­tion ne tient pas à la seule iden­ti­fi­ca­tion des parties prenantes, de leurs objec­tifs et de l’iden­ti­fi­ca­tion des dimen­sions à évaluer. Chomienne (1999) explique qu’« esti­mer l’ef­fi­ca­cité » signi­fie exami­ner dans quelle mesure les objec­tifs prévus par un « proces­sus » sont atteints. Il faut ainsi pouvoir déter­mi­ner les métho­do­lo­gies adap­tées, sélec­tion­ner les indi­ca­teurs perti­nents à leur évalua­tion. 

On peut à ce titre distin­guer deux grands types d’in­di­ca­teurs : les indi­ca­teurs externes et les indi­ca­teurs internes.

Les indi­ca­teurs externes

Les indi­ca­teurs externes de la forma­tion profes­sion­nelle permettent d’éva­luer les effets susci­tés suite à  une action de forma­tion. Selon les acteurs concer­nés, ces indi­ca­teurs peuvent varier. 

Au regard des poli­tiques menées par les pouvoirs publics, des indi­ca­teurs tels le taux d’ac­cès à la forma­tion, le taux de diplô­més ou de certi­fiés au sein d’une popu­la­tion de réfé­rence (une géné­ra­tion, une cohorte, l’en­semble des sala­riés) ou encore le taux d’in­ser­tion peuvent être des indi­ca­teurs externes utili­sés pour déter­mi­ner l’ef­fi­ca­cité d’une poli­tique de forma­tion. 

Pour une entre­prise, l’usage du ROI (Return On Invest­ment, ou retour sur inves­tis­se­ments en français) ou du ROE (Return On Expec­ta­tion, retour sur les attentes en français) permet d’es­ti­mer l’im­pact de la forma­tion sur des indi­ca­teurs finan­ciers ou chif­frés (chiffre d’af­faires, crois­sance de l’en­tre­prise, crois­sance de vente, etc.). Ils conduisent à une esti­ma­tion du diffé­ren­tiel entre les coûts et les gains géné­rés par la forma­tion. Pour un respon­sable de forma­tion ou de ressources humaines, des indi­ca­teurs esti­mant la satis­fac­tion des sala­riés permettent d’éta­blir la perti­nence de l’offre de forma­tion propo­sée. 

Pour les indi­vi­dus, l’éva­lua­tion externe du passage par la forma­tion peut être réali­sée à l’aide d’in­di­ca­teurs objec­tifs tels que le chan­ge­ment profes­sion­nel (de statut, d’em­ploi, l’ac­cès à l’em­ploi, etc.) ou encore la progres­sion du salaire. Mais elle peut aussi être appré­hen­dée à l’aide de méthodes quali­ta­tives permet­tant d’ap­pré­cier l’ef­fet de la forma­tion sur un ensemble de dimen­sions plus subjec­tives telles le senti­ment de montée en compé­tences, l’ef­fet de la forma­tion sur l’épa­nouis­se­ment au travail, la récon­ci­lia­tion d’as­pi­ra­tions de forma­tion insa­tis­faites, etc. 

Les indi­ca­teurs internes 

Les indi­ca­teurs internes permettent, quant à eux, d’éva­luer l’ap­pren­tis­sage des parti­ci­pants et ainsi l’ef­fi­ca­cité d’une forma­tion du point de vue de l’ac­qui­si­tion de connais­sances et de compé­tences. Plusieurs types d’éva­lua­tions (Petitjean, 1984) peuvent être utili­sés et arti­cu­lés à diffé­rents moments par les concep­teurs péda­go­giques :

  • L’éva­lua­tion diag­nos­tique se réalise au début d’une forma­tion. Elle permet de repé­rer le niveau de connais­sances ou de compé­tences initial à l’aide de la réali­sa­tion d’exer­cices, d’auto-évalua­tion, d’échelles construites. 
  • L’éva­lua­tion forma­tive corres­pond à l’en­semble des évalua­tions qui se réalisent pendant la forma­tion. Elles se réalisent pour soute­nir l’ap­pren­tis­sage et consti­tuent une partie à part entière de la forma­tion. Elles visent à donner les moyens de progres­ser pendant la forma­tion en vue d’en obte­nir une vali­da­tion finale.
  • L’éva­lua­tion somma­tive / certi­fi­ca­tive se déroule après l’ac­tion de forma­tion. Il s’agit d’une évalua­tion des appren­tis­sages. Elle vise à iden­ti­fier si les objec­tifs d’ap­pren­tis­sage ont bien été satis­faits et mène à l’ob­ten­tion d’une attes­ta­tion, certi­fi­ca­tion, d’un titre ou d’un diplôme. 

Ces évalua­tions se réalisent au début ou pendant l’ac­tion de forma­tion. 

Une approche mixte de l’éva­lua­tion : le modèle de Kirk­pa­trick

La caté­go­ri­sa­tion propo­sée par Kirk­pa­trick offre un exemple d’ar­ti­cu­la­tion de ces diffé­rents indi­ca­teurs (1959). Il distingue à ce titre quatre grands niveaux d’éva­lua­tion de la forma­tion profes­sion­nelle conti­nue (plus ou moins complexes à mettre en oeuvre) : 

  1. Le niveau 1 : la réac­tion

L’éva­lua­tion de la réac­tion des sala­riés à l’is­sue de l’ex­pé­rience de forma­tion, par une mesure de la satis­fac­tion (aussi appe­lée évalua­tion “à chaud”) pour déter­mi­ner l’ap­pré­cia­tion par les sala­riés de l’ex­pé­rience de forma­tion. 

  1. Le niveau 2 : l’ap­pren­tis­sage

L’éva­lua­tion de l’ac­qui­si­tion des compé­tences ou connais­sances visées pendant la forma­tion. 

  1. Le niveau 3 : le trans­fert

L’éva­lua­tion du trans­fert de ces compé­tences, de leur réuti­li­sa­tion dans le contexte profes­sion­nel (aussi appe­lée évalua­tion “à froid”) permet­tant d’éta­blir si les parti­ci­pants ont, à l’is­sue d’une forma­tion, appliqué les compé­tences et connais­sances visées par celle-ci. 

  1. Le niveau 4 : les résul­tats

L’éva­lua­tion de l’im­pact externe de la forma­tion sur la perfor­mance écono­mique du sala­rié et de l’en­tre­prise. 

Cette caté­go­ri­sa­tion est l’une des méthodes les plus connues en matière d’éva­lua­tion de la forma­tion profes­sion­nelle (Gili­bert & Gillet, 2010) et l’ou­vrage de Pottiez présente à ce titre des exemples riches à son utili­sa­tion (2017).
Évaluer l’ef­fi­ca­cité d’une forma­tion néces­site donc de déter­mi­ner si les objec­tifs fixés par l’une ou plusieurs des parties prenantes de la forma­tion ont été atteints à l’is­sue d’une action de forma­tion, dans une tempo­ra­lité plus ou moins longue, grâce à l’uti­li­sa­tion d’un ou plusieurs indi­ca­teurs adap­tés.
Mais l’acte d’éva­lua­tion consiste aussi à iden­ti­fier le rôle spéci­fique de la forma­tion dans l’at­teinte de ces objec­tifs. Autre­ment dit, évaluer néces­site de mesu­rer la part de respon­sa­bi­lité de la forma­tion dans la réus­site, de pouvoir iden­ti­fier le rôle tenu par la forma­tion dans l’at­teinte des objec­tifs alors même que d’autres facteurs envi­ron­ne­men­taux peuvent inter­fé­rer et l’in­fluen­cer (Béduwé, 2015). 

L’ef­fi­ca­cité de la forma­tion profes­sion­nelle en France : quel état des lieux ?

Actuel­le­ment, l’éva­lua­tion de l’ef­fi­ca­cité de la forma­tion profes­sion­nelle en France, bien que partielle sous certains aspects, est réali­sée de diffé­rentes manières selon les acteurs qui la mettent en oeuvre. 

D’une manière géné­rale, la majo­rité des entre­prises en France orga­nisent une action de forma­tion pour leurs sala­riés. 

Aussi, si près d’un sala­rié sur deux en France suit chaque année une forma­tion, on ne sait pas grand chose sur  qualité de ces actions (France Stra­té­gie, 2015), menées par l’en­tre­prise ou réali­sées par l’un des 59 000 orga­nismes de forma­tion réper­to­riés en France.

De plus, de nombreux sala­riés restent dans l’im­pos­si­bi­lité de se former ou, parmi ceux qui y sont parve­nus, plus du tiers des sala­riés expliquent avoir eu des diffi­cul­tés pour se former. Près d’un quart des sala­riés français expriment des besoins de forma­tion non satis­faits (Lambert & Marion-Vernoux, 2014). L’ac­cès à la forma­tion profes­sion­nelle reste par ailleurs forte­ment déter­miné par certaines carac­té­ris­tiques indi­vi­duelles (telles le niveau de diplôme, le genre ou encore l’âge) et de l’en­tre­prise (la taille, le secteur d’ac­ti­vité, les poli­tiques des ressources humaines, etc.).

Les entre­prises ne mettent que faible­ment en place des évalua­tions, et lorsqu’elles le font, l’usage du modèle Kirk­pa­trick n’est que très partiel (Gili­bert & Gillet, 2010). 

En effet, parmi les entre­prises forma­trices en France, 66% se contentent d’éva­luer la satis­fac­tion à l’is­sue de la forma­tion.

Elles ne sont que 40% à mettre en place un dispo­si­tif pour évaluer l’ac­qui­si­tion de la compé­tence et, en 2010, seule une entre­prise sur cinq a cher­ché à évaluer l’im­pact des actions de forma­tion sur les perfor­mances écono­miques (Beraud, 2015). Ces résul­tats corro­borent ceux de l’enquête réali­sée auprès des 120 premières entre­prises françaises cotées en Bourse (Monnot, 2014). 

D’une manière géné­rale, les pratiques d’éva­lua­tion de la forma­tion profes­sion­nelle en France restent partielles et semblent condi­tion­nées par la diffi­culté de leur mise en oeuvre (Beraud, 2015; Gili­bert & Gillet, 2010; Monnot, 2014). Mais elles sont aussi dépen­dantes d’enjeux internes aux orga­ni­sa­tions ques­tion­nant de fait leur objec­ti­vité, voire leur effi­ca­cité pour les sala­riés. Les pratiques d’auto-évalua­tion de la satis­fac­tion sont, par exemple, plus fréquentes lorsque les services RH ont déjà confiance dans leurs pratiques de forma­tion ou lorsqu’elles n’ont que peu de moyens finan­ciers et tech­niques (Monnot, 2014). 

Par ailleurs, la plupart de ces démarches d’éva­lua­tions ne tiennent pas compte de l’exis­tence des facteurs déter­mi­nants l’ac­cès et l’ef­fi­ca­cité de la forma­tion, alors que ceux-ci sont stables et mis au jour depuis plusieurs décen­nies en France (Fréti­gné, 2013; Dubar, 2004 ; Lambert & Marion-Vernoux, 2014).

Ces enquêtes révèlent en effet que les carac­té­ris­tiques indi­vi­duelles (telles le niveau de diplôme, le genre, l’âge, etc.), les carac­té­ris­tiques de l’em­ploi occupé (la caté­go­rie socio­pro­fes­sion­nelle, le type de contrat de travail, le temps de travail, etc.) ou encore de l’en­tre­prise employeur (la taille, le secteur d’ac­ti­vité, le domaine, etc.) condi­tionnent l’en­trée, le suivi et les effets du passage par la forma­tion. Ces enquêtes réali­sées au niveau natio­nal et euro­péen et exploi­tées par, entre autres, le Céreq, la Dares ou l’IN­SEE, montrent l’exis­tence d’une certaine inef­fi­ca­cité du système de forma­tion profes­sion­nelle, à l’aide d’in­di­ca­teurs externes, au regard des objec­tifs d’une géné­ra­li­sa­tion de l’ac­cès ou d’une égale possi­bi­lité de tous les actifs de s’en saisir. 

Enfin, concer­nant les effets susci­tés par le passage en forma­tion pour les sala­riés, si des béné­fices subjec­tifs sont rappor­tés, l’im­pact sur les évolu­tions de carrières, promo­tions sala­riales ou mobi­li­tés profes­sion­nelles ne fait pas consen­sus. Fréti­gné relève qu’il existe un effet de la forma­tion sur la mobi­li­té ascen­dante en interne, mais la forma­tion n’est pas la seule à expliquer ces évo­lu­tions profes­sion­nelles rencon­trées par le sala­rié. Elle est condi­tion­née par le fait d’exer­cer à temps plein, d’être un homme et d’avoir moins de 50 ans (Fré­ti­gné, 2013). Fina­le­ment, « l’en­trée en forma­tion est une condi­tion de plus en plus néces­saire mais de moins en moins suffi­sante pour « progres­ser » profes­sion­nel­le­ment » (Fréti­gné et de Lescure, 2007, p. 41). D’autres travaux montrent cepen­dant que la forma­tion conti­nue n’a pas un effet signi­fi­ca­tif sur la mobi­li­té sociale ascen­dante des indi­vi­dus (Fougère et al., 2001 ; Blasco et al., 2009). À l’in­é­gal accès à la forma­tion profes­sion­nelle s’ajoute une incer­ti­tude sur les effets confé­rés par le passage en forma­tion.

Conclu­sion 

Évaluer l’ef­fi­ca­cité d’une forma­tion profes­sion­nelle relève d’une action complexe qui peut expliquer sa faible mise en oeuvre. Elle implique d’avoir au préa­lable iden­ti­fié les diffé­rentes parties prenantes et leurs objec­tifs, de penser et d’iden­ti­fier les méthodes et indi­ca­teurs d’éva­lua­tion adap­tés à ceux-ci, d’éta­blir la tempo­ra­lité du proto­cole d’éva­lua­tion (en amont, pendant et/ou après la forma­tion) en vue de mettre au jour l’ef­fet propre suscité par l’ac­tion de forma­tion. Il s’agit d’un proces­sus respec­tant un modèle global. 

La démarche d’éva­lua­tion néces­site une démarche réflexive et une certaine forme d’ex­per­tise : savoir iden­ti­fier les objec­tifs, construire et iden­ti­fier les outils adap­tés, justi­fier les choix réali­sés pour y parve­nir, iden­ti­fier l’exis­tence d’im­pacts de la forma­tion et inter­pré­ter les résul­tats obte­nus. Autant de dimen­sions qui peuvent consti­tuer un frein à sa mise en oeuvre. Mais il faut aussi signa­ler que l’éva­lua­tion de la forma­tion profes­sion­nelle, malgré ses enjeux stra­té­giques, peut aussi ne pas être souhai­tée par les acteurs impliqués (Pottiez, 2017). Ces derniers n’ont en effet pas néces­sai­re­ment inté­rêt à iden­ti­fier les résul­tats susci­tés par les actions qu’ils mettent en oeuvre, des béné­fices ou échecs auxquelles elles conduisent (Monnot, 2014).

Or, sa mise en oeuvre n’a jamais été aussi stra­té­gique et déter­mi­nante. L’éva­lua­tion permet un passage à l’ac­tion. Sans elle ou avec un seul taux de satis­fac­tion, il n’est guère possible de comprendre le sens ou les effets susci­tés par le passage en forma­tion ! Elle mène à l’iden­ti­fi­ca­tion des axes d’amé­lio­ra­tion, rend possible des prises de déci­sions propices à la progres­sion de son effi­ca­cité, à une crois­sance des impacts pour les sala­riés et les entre­prises. C’est ce que résume fina­le­ment bien Jona­than Pottiez : “mesu­rer pour comprendre, comprendre pour agir” (2017, p. 69). Dans un contexte de tensions écono­miques, de ratio­na­li­sa­tion des inves­tis­se­ments, l’éva­lua­tion est une étape incon­tour­nable. Elle est une alliée des services de forma­tion. Il s’agit d’une condi­tion sine qua non de la qualité, de la perti­nence et de l’ef­fi­ca­cité des actions de forma­tion au sein des entre­prises.

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