Digi­tal lear­ning et forma­tion

Pourquoi et comment les entre­prises forment leurs sala­riés à distance ?

L’avè­ne­ment de la forma­tion à distance n’est pas unique­ment lié à la crise, d’autres enjeux se précisent, et les propo­si­tions du marché sont multiples.

Par Pierre Monclos – Le 12 mai 2021

2020 restera une année excep­tion­nelle à bien des égards, y compris dans le domaine de la forma­tion et des compé­tences. Les chan­ge­ments qui se sont produits dans ce domaine sont les plus consé­quents et les plus rapides depuis plus de 20 ans ! Mais quels sont ceux qui ont voca­tion à durer et dans quelles propor­tions ?

La forma­tion profes­sion­nelle a été mise à l’épreuve du distan­ciel avec la crise sani­taire et aujour­d’hui, ce n’est plus un secret ou une rumeur, il est stra­té­gique d’in­té­grer de manière pérenne ces forma­tions 100% à distance dans le plan de déve­lop­pe­ment des compé­tences des entre­prises. C’est d’ailleurs l’avis de 93% des répon­dants de notre dernière enquête Unow*, comme le montrent les chiffres ci-dessous.

Rappe­lons qu’en 2018, envi­ron 6% des forma­tions seule­ment étaient déli­vrées en 100% digi­tal ! Décou­vrons main­te­nant les enjeux qui motivent cette montée en puis­sance de la forma­tion à distance.

Les enjeux prio­ri­taires de la forma­tion à distance 

Si la forma­tion à distance prend une place inédite, ses enjeux ne sont pas liés unique­ment à la crise sani­taire et écono­mique.

Se former à son rythme 

C’est une des plus-values évidentes de la forma­tion à distance. Cet atout est souvent asso­cié aux notions de flexi­bi­lité et de souplesse. Le parti­ci­pant, placé comme acteur central du dispo­si­tif péda­go­gique, peut choi­sir les moments qu’il consacre à l’ac­qui­si­tion de nouvelles compé­tences. Atten­tion toute­fois à s’as­su­rer de l’au­to­no­mie réelle des appre­nants ainsi qu’aux condi­tions de son exer­cice dans l’en­vi­ron­ne­ment profes­sion­nel comme person­nel (charge de travail, maté­riel tech­nique, espace adapté, etc).

À noter que si la flexi­bi­lité tempo­relle est un atout pour mieux inté­grer la forma­tion dans le quoti­dien des équipes, la flexi­bi­lité géogra­phique devient plus impor­tante qu’au­pa­ra­vant. En rendant la forma­tion plus acces­sible, cette flexi­bi­lité permet aussi de se former sur des temps qui n’étaient pas envi­sa­geables autre­fois (pendant un trajet en train, à son domi­cile, pendant un voyage, etc).

Aider à la trans­for­ma­tion digi­tale de l’en­tre­prise

La forma­tion est un des secteurs forte­ment impac­tés par la tran­si­tion numé­rique. Bien prépa­rée, elle peut à cet égard être un service moteur dans l’en­tre­prise et incar­ner l’exemple. Plus géné­ra­le­ment, la forma­tion reste la pierre angu­laire pour répondre à cette problé­ma­tique plus large qu’est la trans­for­ma­tion digi­tale des orga­ni­sa­tions. Mell­ting, 2015

Ce qui était déjà vrai il y a six ans l’est d’au­tant plus aujour­d’hui. La forma­tion digi­tale est consi­dé­rée par les fonc­tions RH comme une solu­tion répon­dant aux enjeux de trans­for­ma­tion digi­tale.

Ainsi, on vise à « faire du secteur de la forma­tion le fer de lance de la numé­ri­sa­tion de l’en­tre­prise » (Boboc & Metz­ger, 2018). Le rôle de la forma­tion est alors, d’une part, d’ac­com­pa­gner les orien­ta­tions stra­té­giques visant à la trans­for­ma­tion digi­tale des orga­ni­sa­tions et, d’autre part, de l’in­car­ner en y contri­buant direc­te­ment par sa propre digi­ta­li­sa­tion. Comme le soulignent les deux socio­logues dans leur étude de cas d’une grande multi­na­tio­nale, ceci implique en premier lieu de former les acteurs de la forma­tion (forma­teurs, ingé­nieurs péda­go­giques, concep­teurs, respon­sables de forma­tion, etc.) pour qu’ils déve­loppent leurs propres compé­tences et exper­tises vis-à-vis des outils numé­riques utili­sés en forma­tion en vue de propo­ser, dans un second temps, une offre de forma­tion digi­ta­li­sée et adap­tée aux enjeux de déve­lop­pe­ment des compé­tences liés à la trans­for­ma­tion digi­tale.

Réduire les coûts

Cet enjeu ressort souvent dans nos études, et il est impor­tant de bien l’ana­ly­ser. La réduc­tion des coûts peut se faire à plusieurs endroits : 

  • la réduc­tion des coûts logis­tiques de la forma­tion (dépla­ce­ments, héber­ge­ments, salle de forma­tion, temps mobi­lisé) ; 

  • la réduc­tion des coûts liés à l’in­dus­tria­li­sa­tion de la produc­tion et de la diffu­sion (un module de forma­tion en ligne peut être suivi par un nombre poten­tiel­le­ment illi­mité de personnes) ; 

  • la réduc­tion des coûts péda­go­giques pour des forma­tions déjà créées par des pres­ta­taires (internes ou externes) faci­le­ment amor­tis­sables et donc souvent moins chères. 

Sur la ques­tion des coûts, il faut cepen­dant être vigi­lant. La tendance étant de réin­té­grer l’hu­main dans la forma­tion digi­tale, il ne faut pas réduire une forma­tion en ligne aux simples coûts de créa­tion et d’hé­ber­ge­ment. L’ac­com­pa­gne­ment par un forma­teur, qui est indis­pen­sable pour permettre une réelle montée en compé­tence, pour favo­ri­ser l’en­ga­ge­ment et pour main­te­nir la moti­va­tion, doit aussi être inté­gré dans les coûts. Atten­tion égale­ment, les forma­tions en ligne sur mesure coûtent plutôt cher, et néces­sitent donc un nombre impor­tant de parti­ci­pants pour amor­tir l’in­ves­tis­se­ment. Dans notre sondage, la réduc­tion des coûts arrive en troi­sième posi­tion, c’est un enjeu impor­tant pour les services forma­tion confron­tés à la crise écono­mique et à une forte solli­ci­ta­tion de la forma­tion en entre­prise.

Opti­mi­ser l’ef­fi­ca­cité des forma­tions

Cet enjeu arrive en 4ème posi­tion dans notre dernier sondage et cela nous a beau­coup surpris. C’est une opinion qui reste encore mino­ri­taire dans notre échan­tillon et dont on espère qu’elle évoluera. La forma­tion à distance ainsi que les nouvelles moda­li­tés de forma­tion offrent des possi­bi­li­tés souvent inéga­lées par la « norme » du stage de forma­tion de deux ou trois jours en présen­tiel. Sur un plan péda­go­gique, la forma­tion à distance permet de nombreuses situa­tions favo­ri­sant le déve­lop­pe­ment des compé­tences des parti­ci­pants : 

  • étaler l’ap­pren­tis­sage dans le temps ; 

  • permettre d’ap­prendre à son rythme ; 

  • pouvoir mettre en pratique à tout moment et favo­ri­ser l’ex­pé­ri­men­ta­tion ; 

  • pour­voir mettre en pratique en situa­tion de travail ;

  • avoir des boucles de feed­backs après les mises en pratique (fictives ou réelles) ; 

  • pouvoir mesu­rer avant, pendant et après la forma­tion l’évo­lu­tion des compor­te­ments et des compé­tences de chaque appre­nant ;

  • etc.

Mais la réflexion même de l’ef­fi­ca­cité dans le champ de la forma­tion profes­sion­nelle reste un sujet épineux. L’ef­fi­ca­cité recouvre en effet des réali­tés bien diffé­rentes selon les points de vue rete­nus (parti­ci­pant, respon­sable forma­tion, forma­teur, entre­prise, etc.). Elle implique une forma­li­sa­tion des objec­tifs à atteindre dès le début du projet, des indi­ca­teurs d’éva­lua­tion et une évalua­tion. 

De notre point de vue, ce devrait être le premier enjeu pour recou­rir aux forma­tions distan­cielles. Cela rejoin­drait une problé­ma­tique dont beau­coup de DRH nous font part : pouvoir enfin mesu­rer le ROI (retour sur inves­tis­se­ment) de la forma­tion.

L’ef­fi­ca­cité de la forma­tion ne remonte pas encore parmi les prin­ci­paux enjeux perçus par les respon­sables forma­tion. Pour­tant, le digi­tal permet à la fois de renfor­cer cette effi­ca­cité et d’éva­luer objec­ti­ve­ment l’im­pact de la forma­tion. Il faut s’en saisir ! Eléo­nore Vrillon, Respon­sable R&D, Unow

L’évo­lu­tion des tendances : dispo­si­tifs et moda­li­tés de forma­tion

La moda­lité domi­nante selon notre dernière étude sera désor­mais le blen­ded lear­ning*.

*Blen­ded lear­ning : On parle aussi de forma­tion mixte, cela désigne les dispo­si­tifs de forma­tion arti­cu­lant du présen­tiel et du distan­ciel au sein d’un même parcours péda­go­gique.

Cette moda­lité a régu­liè­re­ment du succès dans les baro­mètres de la forma­tion. Mais ce qui est inédit, c’est qu’elle passe en première posi­tion chez quasi­ment trois quarts des répon­dants de notre dernière étude. 

Cette évolu­tion impor­tante s’ex­plique par trois phéno­mènes : 

  • la forma­tion se digi­ta­lise à vitesse grand V ; 

  • le présen­tiel, très domi­nant jusqu’à présent, garde encore de la place dans les dispo­si­tifs de forma­tion, il ne dispa­raît pas ; 

  • les entre­prises cherchent avant tout à opti­mi­ser les dispo­si­tifs de forma­tion, ce qui se fait faci­le­ment en alliant présen­tiel et distan­ciel au sein d’un même dispo­si­tif de forma­tion.

Quand on regarde de plus près parmi ces entre­prises qui privi­lé­gient désor­mais le blen­ded lear­ning, elles estiment que la deuxième moda­lité la plus utili­sée sera la forma­tion 100% distan­cielle. Devant la forma­tion 100% présen­tielle !

Cette tendance est direc­te­ment liée au travail à distance. Or quand on voit que le télé­tra­vail s’est installé dura­ble­ment dans les entre­prises, on peut en déduire que ce clas­se­ment des moda­li­tés sera lui aussi durable.

Passons aux moda­li­tés de forma­tion en ligne, qui sont multiples et qui coexistent dans les stra­té­gies de forma­tion des entre­prises. Voici leur répar­ti­tion selon notre dernière enquête :

À noter que les parti­ci­pants pouvaient choi­sir plusieurs moda­li­tés

85% Modules e-lear­ning (vidéos et quiz) Ces modules sont majo­ri­tai­re­ment inté­grés dans les entre­prises depuis plusieurs années. Ils permettent d’ac­qué­rir et de conso­li­der des connais­sances (≠ compé­tences), et la complé­tion* est faible (5 à 10% en moyenne).

*Com­plé­tion : Il s’agit du ratio repré­sen­tant le nombre d’ap­pre­nants ayant terminé la forma­tion sur la base du nombre d’ap­pre­nants qui l’ont commen­cée.

Les modules e-lear­ning sont, sans surprise, la moda­lité la plus repré­sen­tée, et devraient le rester ces prochaines années. Pour autant, ces modules répondent rare­ment à des objec­tifs de montée en compé­tence et s’ins­crivent géné­ra­le­ment dans des poli­tiques d’ac­cul­tu­ra­tion et de micro­lear­ning.

57% Classes virtuelles Les classes virtuelles étaient déjà une moda­lité fréquem­ment utili­sée, et leur utili­sa­tion en forma­tion a explosé depuis le confi­ne­ment. Avec un écueil récur­rent : des formats souvent descen­dants, alors qu’ils gagnent à être parti­ci­pa­tifs et asso­ciés à des ressources asyn­chrones pour un dispo­si­tif flexible et effi­cace.

Atten­tion à la tenta­tion d’une numé­ri­sa­tion massive des conte­nus ou d’une simple trans­po­si­tion du présen­tiel en classe virtuelle. Il y a un « échec à chaque fois que l’on pense que la média­tion des savoirs passe la seule média­ti­sa­tion tech­nique » (Linard, 1990) 

C’est notam­ment le cas lorsque des forma­tions en présen­tiel sont bascu­lées telles quelles en classes virtuelles. Surtout sur plusieurs jour­nées consé­cu­tives. Cette pratique est forte­ment dénon­cée pour son inef­fi­ca­cité, et son utili­sa­tion abon­dante pendant le confi­ne­ment a même généré un nom : la « zoomi­fi­ca­tion des forma­tions » (en réfé­rence à Zoom, l’un des célèbres outils de classe virtuelle). Si la classe virtuelle est un formi­dable outil, en tant que tel ou au sein d’autres dispo­si­tifs de forma­tion, elle doit, pour être effi­cace, repo­ser sur les prin­cipes d’une forma­tion : favo­ri­ser les échanges, rendre les parti­ci­pants actifs et lais­ser de la place à l’ac­com­pa­gne­ment de chacun. Sinon, la « fatigue cogni­tive » des appre­nants les fera vite décro­cher. 

33% SPOC (forma­tions digi­tales et tuto­rées) Cette moda­lité appa­rue en 2014 conti­nue son ascen­sion, avec une complé­tion forte (93% en moyenne en 2020 chez Unow). Le SPOC repose sur un accom­pa­gne­ment indi­vi­duel, de l’ap­pren­tis­sage en groupe et de l’ap­pren­tis­sage par la pratique.

Le format SPOC est notre spécia­lité chez Unow depuis 2014. C’est un dispo­si­tif de forma­tion qui est à la fois effi­cace et humain. Il s’agit de forma­tions 100% en ligne avec des sessions d’ani­ma­tion qui s’étalent sur 4 à 6 semaines. Ici le digi­tal est utilisé pour faci­li­ter l’al­ter­nance entre la situa­tion de forma­tion et la situa­tion de travail, pour que la mise en pratique et la montée en compé­tence soient liées à la réalité opéra­tion­nelle de chaque parti­ci­pant. Ce format est l’équi­valent d’une forma­tion présen­tielle de 2 ou 3 jours. SPOC (forma­tions digi­tales et tuto­rées).

Et pour termi­ner, voici les deux dernières moda­li­tés du clas­se­ment, réser­vées à des projets souvent plus spéci­fiques et non adap­tables à tous les thèmes de forma­tion :

6% Dispo­si­tifs impliquant des nouvelles tech­no­lo­gies (Réalité virtuelle, réalité augmen­tée, objets connec­tés…) Des dispo­si­tifs encore peu utili­sés malgré une forte attrac­ti­vité. Depuis 2017, ils sont perçus comme perti­nents sur des projets spéci­fiques et non sur les forma­tions les plus répan­dues dans les entre­prises.

4% Serious game Après un déclin depuis plusieurs années, souvent pour des motifs budgé­taires et un manque de souplesse, les serious game deviennent des projets rares dans les entre­prises.

* Nous avons mené une enquête natio­nale en juin et juillet 2020, auprès de 600 fonc­tions RH et forma­tion d’en­tre­prises de plus de 250 sala­riés.

Décou­vrez notre info­gra­phie sur l’évo­lu­tion des compé­tences et stra­té­gies de forma­tion en entre­prise

Résul­tat d’un étude sur 600 fonc­tions RH & forma­tion d’en­tre­prises de plus de 250 sala­riés

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