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Basics #5 La théo­rie du beha­vio­risme

Dans la série des Basics des Sciences de l’édu­ca­tion de Unow, inté­res­sons-nous aux théo­ries de l’ap­pren­tis­sage et au beha­vio­risme.

Par Laura Hélie et Eléo­nore Vrillon – Le 6 février 2023

Le beha­vio­risme est une des toutes premières théo­ries d’ap­pren­tis­sage, qui a émergé au début du XXe siècle et a suscité de nombreux débats en psycho­lo­gie et en sciences de l’édu­ca­tion. On en retrouve certains aspects dans les forma­tions propo­sées par Unow, mais elle reste une théo­rie avec ses limites et ses incon­vé­nients. On vous explique tout dans cet article. Au sommaire :

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La théo­rie du beha­vio­risme en bref

1. Le beha­vio­risme est une théo­rie d’ap­pren­tis­sage, visant à concep­tua­li­ser ce qui se passe physique­ment et cogni­ti­ve­ment lorsqu’un indi­vidu apprend.

2. Appliqué à la péda­go­gie, le beha­vio­risme consi­dère qu’ap­prendre consiste à trans­mettre des savoirs, en renforçant des compor­te­ments via des stimu­lis posi­tifs (récom­penses) ou néga­tifs (puni­tions) qui vont condi­tion­ner l’ap­pre­nant à donner de bonnes réponses.

3. On retrouve des aspects beha­vio­ristes dans la struc­tu­ra­tion des forma­tions Unow séquen­cées par modules et petits conte­nus, ainsi que dans les évalua­tions par essai-erreur : QCM avec renfor­ce­ments en fonc­tion de la réponse  👍👎

4. Cette théo­rie reste une théo­rie ; elle n’est pas univer­selle et a des limites critiquables. Néan­moins, connaître les prin­cipes des diffé­rentes théo­ries et mettre ceux-ci en pers­pec­tive avec nos choix péda­go­giques nous permet de prendre du recul.

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Qu’est-ce que la théo­rie du beha­vio­risme ?

Défi­ni­tion du beha­vio­risme

Dans la recherche en éduca­tion, plusieurs grandes théo­ries de l’ap­pren­tis­sage ont émergé au fil des années, cher­chant à expliquer ce qui se passe lors du proces­sus d’ap­pren­tis­sage.

Le beha­vio­risme est une de ces théo­ries. Elle s’in­té­resse notam­ment à la rela­tion entre l’ap­pren­tis­sage et la modi­fi­ca­tion des compor­te­ments obser­vables (beha­viors) des appre­nants. Le psycho­logue améri­cain Burrhus F. Skin­ner (1904– 1990) est consi­déré comme le repré­sen­tant du beha­vio­risme appliqué à la péda­go­gie.

Le beha­vio­risme part du prin­cipe que l’ac­qui­si­tion des connais­sances s’ef­fec­tue par paliers succes­sifs. Le passage d’un niveau de connais­sance à un autre s’opère par des renfor­ce­ments posi­tifs (récom­penses) pour que l’ap­pre­nant atteignent les compor­te­ments atten­dus et donne les réponses atten­dues.

Histo­rique

Le beha­vio­risme a large­ment dominé les recherches en psycho­lo­gie, dès le début du 20e siècle. Il est souvent consi­déré comme la première approche concep­tuelle de la péda­go­gie, avant d’être plus tard chal­lengé par d’autres théo­ries d’ap­pren­tis­sage, remet­tant en ques­tion sa vision du  rôle de l’ap­pre­nant, du rôle de l’en­sei­gnant et du proces­sus cogni­tif interne du cerveau (Chekour, Laafi & Janati-Idrissi, 2015).

Tout commence avec le physio­lo­giste Pavlov (1926), et son expé­ri­men­ta­tion sur un chien. L’ani­mal est soumis à un stimu­lus (viande) qui déclenche une réponse (sali­va­tion). Lors de la phase de condi­tion­ne­ment, il lui présente la viande en acti­vant  simul­ta­né­ment un autre stimu­lus (son). Après de nombreuses répé­ti­tions, le son déclenche à lui tout seul la sali­va­tion = réponse en termes de compor­te­ment obser­vable.

Inspiré par cette expé­rience, Watson (1972) formule la théo­rie psycho­lo­gique du stimu­lus-réponse (ou condi­tion­ne­ment clas­sique).

Skin­ner ira plus loin et montrera qu’il est plus effi­cace si le couplage stimu­lus-réponse est suivi d’une récom­pense. Il va attes­ter de l’im­por­tance des renfor­ce­ments posi­tifs dans le proces­sus d’ap­pren­tis­sage.

Comment ça marche ?

Le condi­tion­ne­ment opérant

La théo­rie du beha­vio­risme voit l’ap­pren­tis­sage comme un proces­sus encou­ragé par l’uti­li­sa­tion de récom­penses ou « renfor­ce­ments posi­tifs » (ex. : nour­ri­ture pour l’ani­mal, bonnes notes chez l’ap­pre­nant) et de puni­tions ou « renfor­ce­ments néga­tifs  » (ex. : choc élec­trique pour l’ani­mal, mauvaises notes pour l’ap­pre­nant).

L’ap­pre­nant va donc adap­ter son compor­te­ment pour s’as­su­rer de rece­voir des récom­penses et éviter les renfor­ce­ments néga­tifs. Cette procé­dure s’ap­pelle le « condi­tion­ne­ment opérant ».

➪ Skin­ner critique les ensei­gne­ments fondés sur des renfor­ce­ments néga­tifs, qu’il consi­dère néfastes pour apprendre. Selon lui, une forma­tion bien conçue doit amener 90% des appre­nants à produire de bonnes réponses.

Le compor­te­ment de l’ap­pre­nant est condi­tionné pour atteindre son but. Un stimuli interne (besoin d’ap­prendre) ou externe (dispo­si­tif attrayant) déclenche sa moti­va­tion (son “drive”) qui le pousse à agir dans son proces­sus d’ap­pren­tis­sage. (Bour­dat, 2012).

Le proces­sus de condi­tion­ne­ment est basé sur la répé­ti­tion. En prenant l’exemple de la dictée, on part du prin­cipe qu’en remarquant les mêmes erreurs répé­tées, on peut ainsi obte­nir de meilleurs résul­tats (Smith, 1994).

Le forma­teur va donc répé­ter les notions à apprendre lorsque celles-ci ne sont pas bien assi­mi­lées. Les forma­tions “beha­vio­ristes” sont conçues pour être progres­sives et faire avan­cer l’ap­pre­nant par paliers en le guidant à l’aide des renfor­ce­ments (Chekour, Laafi & Janati-Idrissi, 2015).

Cette vision de l’ap­pren­tis­sage attri­bue des postures fixes aux acteurs de la forma­tion : les forma­teurs trans­mettent et faci­litent,  les appre­nants reçoivent et assi­milent (Faure, Geof­fray & Nygren) [1] .

Limites péda­go­giques du beha­vio­risme

Le beha­vio­risme est une des premières théo­ries de l’ap­pren­tis­sage; il a donc eu le temps d’être contesté et critiqué.

Tout d’abord, cette posture de l’ap­pre­nant “récep­teur” est consi­dé­rée comme limi­tante pour les indi­vi­dus. Ils peuvent ne pas faire de lien entre les savoirs assi­mi­lés et le sens de ce qu’ils apprennent, et risquent de perdre le fil conduc­teur entre les diffé­rents “paliers” de la forma­tion par lesquels ils doivent progres­ser.

Un manque d’adap­ta­tion aux profils d’ap­pre­nant et à leurs diffé­rentes stra­té­gies d’ap­pren­tis­sage peut aussi être repro­ché. Les parcours de forma­tion se retrouvent  séquen­cés et fermés, négli­geant la réflexion sur les situa­tions d’ap­pren­tis­sages et la diver­sité des appre­nants.

Limites en digi­tal lear­ning

Dans l’en­sei­gne­ment numé­rique, ces limites peuvent se traduire dans le fait de faire refaire un module e-lear­ning en cas d’échec à l’éva­lua­tion, alors que ce module est peut être inadapté à l’ap­pre­nant (Bour­dat, 2012). Le beha­vio­risme appliqué au digi­tal lear­ning peut être effi­cace quand il s’agit d’in­tro­duire l’ap­pre­nant à l’ou­til numé­rique; l’ap­pre­nant découvre le contenu et la plate­forme à l’aide des quiz et des exer­cices qu’il peut recom­men­cer.

Néan­moins cet usage devient vite limité puisque l’ap­pre­nant est simple­ment exécu­teur et non acteur de sa forma­tion, un aspect essen­tiel notam­ment pour les appre­nants adultes. Pour l’en­sei­gne­ment à distance, la vision beha­vio­riste ne suffit pas sur le long terme (El Bouh­didi, 2013).

Où le retrouve-t-on chez Unow ?

Dans la struc­tu­ra­tion des forma­tions

Les forma­tions Unow incluent certains éléments corres­pon­dant à une vision beha­vio­riste de l’ap­pren­tis­sage.

On le retrouve par exemple dans le séquen­ce­ment des forma­tions par modules consti­tués de plusieurs petits conte­nus. Cet agen­ce­ment permet de propo­ser peu d’in­for­ma­tions à la fois, et de divi­ser la diffi­culté en procé­dant par étapes; il rappelle le concept d’en­sei­gne­ment programmé linéaire théo­risé par Skin­ner (Bour­dat, 2012).

Néan­moins, la struc­ture n’est pas entiè­re­ment beha­vio­riste, puisque les modules ne repré­sentent pas des paliers de diffi­cul­tés; de plus, les appre­nants peuvent passer au module suivant même sans avoir vali­der les précé­dents, ils peuvent navi­guer comme ils le souhaitent. 

En ce qui concerne les objec­tifs péda­go­giques, ceux des forma­tions Unow sont aussi rela­ti­ve­ment beha­vio­ristes car :

• Ils sont détaillés et leur atteinte déter­mine la progres­sion des appre­nants
• Ils sont expri­més par des verbes d’ac­tions, qui consti­tuent les “compor­te­ments obser­vables” atten­dus
• Ils sont évalués à l’is­sue de chaque module / séquence péda­go­gique

Dans les évalua­tions et le feed­back des experts

La plupart des forma­teurs ont un côté beha­vio­riste. Chez Unow, cela se traduit par exemple par des experts qui féli­citent les bonnes réponses, et corrigent immé­dia­te­ment les erreurs des appre­nants.

Les évalua­tions propo­sées dans nos forma­tions peuvent égale­ment être asso­ciées à une méca­nique beha­vio­riste. Les quiz de fin de modules ainsi que l’exa­men final proposent un appren­tis­sage par essai-erreur, donnant lieu à des renfor­ce­ments qui sont les consé­quences des réponses données (Faure, Geof­fray & Nygren).

En indiquant à l’ap­pre­nant qu’il a fait une erreur par un renfor­ce­ment néga­tif (pouce en bas rouge), on le condi­tionne à donner une autre réponse pour obte­nir lors de la répé­ti­tion de l’exer­cice la récom­pense souhai­tée (badge, certi­fi­cat). Ce renfor­ce­ment néga­tif est égale­ment asso­cié à un feed­back concer­nant la réponse.

➪ A l’in­verse de Skin­ner, Crow­der souli­gnera l’im­por­tance de l’er­reur et des renfor­ce­ments néga­tifs qui asso­ciés au feed­back sont béné­fiques pour l’ap­pre­nant.

En invi­tant l’ap­pre­nant à répé­ter son évalua­tion lorsqu’il a échoué, on part du prin­cipe que la répé­ti­tion des exer­cices, asso­ciée aux renfor­ce­ments donnés durant le quiz, sera béné­fique pour le proces­sus d’ap­pren­tis­sage.

Comment peut-on aller plus loin ?

Connaître les prin­cipes des grandes théo­ries d’ap­pren­tis­sage peut nous amener à prendre du recul sur nos pratiques, pour propo­ser des conte­nus encore plus adap­tés.

En iden­ti­fiant les théo­ries sous-jacentes à nos choix péda­go­giques, on peut ainsi avoir un regard critique permet­tant d’éva­luer et de justi­fier lesquels de ses choix sont les mieux adap­tés à chaque situa­tion de forma­tion.

Pour aller plus loin, on pour­rait mettre en pers­pec­tive nos actions avec les autres grandes théo­ries d’ap­pren­tis­sage, en analy­sant leurs prin­cipes et leur mise en pratique chez Unow.

Sources et +

BOUR­DAT, M. (2012), “Etes vous un forma­teur « beha­vio­riste » ?”, forma­tion-profes­sion­nelle.fr [En ligne]. Dispo­nible ici

CARRE, P., CASPAR, P. (2017), Traité des Sciences et des tech­niques de forma­tion. Dunod

CHEKOUR, M., LAAFOU, M., & JANATI-IDRISSI, R. (2015), “L’évo­lu­tion des théo­ries de l’ap­pren­tis­sage à l’ère du numé­rique”, EpiNet, n° 171. Dispo­nible ici 

PAVLOV, I. (1926), Condi­tio­ned Reflexes. Courier Corpo­ra­tion : Edition 2012.

SMITH, L. (1994), “Skin­ner 1904–1990”, Pers­pec­tives, revue trimes­trielle d’édu­ca­tion compa­rée, vol. 24, n° ¾

FAURE, P., GEOF­FRAY, F., & NYGREN, A., “Théo­ries de l’ap­pren­tis­sage : beha­vio­risme, cogni­ti­visme, socio-construc­ti­visme”, siet­ma­na­ge­ment.fr [En ligne]. Dispo­nible ici

EL BOUH­DIDI, J. (2013). Une Archi­tec­ture Intel­li­gente Orien­tée objec­tifs basée sur les Onto­lo­gies et les Systèmes Multi-agents pour la Géné­ra­tion des Parcours d’Ap­pren­tis­sage Person­na­li­sés (Docto­rat, Univer­sité abde­la­ma­lek essaadi).

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