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Basics #3 La posture du forma­teur

Dans la série des Basics des Sciences de l’édu­ca­tion de Unow, inté­res­sons-nous à la posture du forma­teur et à ses spéci­fi­ci­tés en forma­tion à distance.

Par Laura Hélie et Eléo­nore Vrillon – Le 4 février 2021

Résumé

  1. La posture, c’est la façon d’être, de se tenir du forma­teur. Elle se traduit à travers des compor­te­ments et des atti­tudes conscientes ou non.
  2. Ensei­gnant, anima­teur, coach… toutes ces postures ont des codes / gestes plus ou moins conscients qui leur sont asso­ciés. Le forma­teur doit navi­guer entre ces diffé­rentes postures pour s’adap­ter à ses appre­nants, aux objec­tifs et aux condi­tions de la forma­tion.
  3. Chez Unow, les forma­teurs oscil­lent entre une posture d’ex­pert, qui peut privi­lé­gier une péda­go­gie descen­dante, et une posture hybride de “tuteur-expert”. Elle vient diver­si­fier et enri­chir le rapport des forma­teurs aux conte­nus et aux appre­nants.
  4. On conti­nue d’al­ler plus loin en défi­nis­sant mieux le “tuteur-expert”, ses gestes, son langage et les valeurs qu’il défend. On s’éloigne égale­ment progres­si­ve­ment de la posture de “sachant”, qui amenant moins à ensei­gner qu’à accom­pa­gner l’ac­qui­si­tion de nouvelles compé­tences, à soute­nir l’au­to­no­mie des appre­nants dans leurs appren­tis­sage.
    Printemps de la Formation 2023 

Qu’est ce que c’est ?

Défi­ni­tion

Le terme posture désigne le posi­tion­ne­ment d’une personne et ses atti­tudes en rapport avec son envi­ron­ne­ment, mais aussi l’in­ter­pré­ta­tion de ce posi­tion­ne­ment par les autres.

➪  On dit parfois que la trans­mis­sion d’un contenu importe moins que la manière dont on le trans­met.

Ensei­gnant, accom­pa­gna­teur, anima­teur, coach… toutes ces postures de forma­teurs ont des codes et des gestes plus ou moins conscients qui leur sont asso­ciés.

La posture du forma­teur ne se résume pas à ce qu’il renvoie physique­ment (gestes, atti­tude non verbale), elle intègre aussi ses choix langa­giers et comment il se posi­tionne par rapport à son audience et aux savoirs qu’il trans­met.

Ces posi­tion­ne­ments ne sont pas forcé­ment choi­sis ou conscients. La posture du forma­teur renvoie aussi à la part de lui-même qu’il met dans son travail, ses croyances, ses valeurs qui trans­pa­raissent aux yeux des autres : c’est ce qu’on nomme  « l’éthos » profes­sion­nel  (Jorro, 2014).

De nombreux para­mètres influencent la posture du forma­teur, tels que les profils d’ap­pre­nants, la gestuelle, la tempo­ra­lité, l’agen­ce­ment de la salle, le fait de correc­te­ment poser sa voix, etc.

Comment ça marche ?

Les diffé­rents types de postures

Les études distinguent une multi­pli­cité de postures du forma­teur, mais 3 grandes caté­go­ries émergent : expert, faci­li­ta­teur, et anima­teur ou coach.

Ces postures se distinguent par leurs rapports à la rela­tion Forma­teur – Savoirs – Appre­nant, défini notam­ment par les travaux de Hous­saye sur la péda­go­gie (2000).

Peu importe sa posture, le forma­teur va inter­ve­nir sur les 3 axes : ensei­gner, apprendre et former. Néan­moins, son choix de posture (plus ou moins conscient), va l’ame­ner à défi­nir des stra­té­gies diffé­rentes pour gérer ces rela­tions, voire à les hiérar­chi­ser en fonc­tion du posi­tion­ne­ment qu’il décide d’adop­ter.

Par exemple ici :
L’ex­pert privi­lé­gie sa rela­tion avec le savoir en s’as­su­rant de la perti­nence de l’objet de connais­sance qu’il trans­met
Le coach favo­rise une rela­tion de confiance avec l’ap­pre­nant
Le faci­li­ta­teur encou­rage l’ap­pre­nant à atteindre les savoirs par lui-même

Savoir manier sa posture

Évidem­ment, le forma­teur ne se contente pas d’une seule posture qu’il conserve toute sa vie. Il navigue entre plusieurs posi­tion­ne­ments de manière plus ou moins expli­cite pour lui et pour les autres.

Cette flexi­bi­lité de posture dépend notam­ment des objec­tifs du forma­teur (ou de l’in­gé­nieur de forma­tion) – trans­mettre, vulga­ri­ser, déve­lop­per le pouvoir d’agir des parti­ci­pants, etc.

➪  La posture a aussi une forte dimen­sion rela­tion­nelle et cultu­relle.

Par exemple, si un forma­teur n’est pas expert ou ne met pas son exper­tise en avant, il peut mettre en danger sa crédi­bi­lité aux yeux de son audience, si celle-ci est condi­tion­née par l’image de l’en­sei­gnant “tout-sachant”.

Il en va de même lorsque le forma­teur instaure une proxi­mité avec ses appre­nants – doit-il tutoyer ou vouvoyer les appre­nants ?

Pour répondre à ces dilemmes, il est impor­tant pour le forma­teur d’avoir un regard réflexif sur sa pratique, ses objec­tifs et ses gestes. Il doit aussi sonder les éléments de son envi­ron­ne­ment qui peuvent agir sur sa posture, mais sur lesquels il n’a pas néces­sai­re­ment d’au­to­rité, comme les profils d’ap­pre­nants ou les moda­li­tés spatio-tempo­relles d’ap­pren­tis­sage.

La posture des forma­teurs Unow

Les experts légi­times

On pour­rait penser que Unow encou­rage prin­ci­pa­le­ment la posture d’ex­pert, ne serait-ce que par le choix de nommer les forma­teurs comme tels, et de souli­gner leurs connais­sances pous­sées sur le sujet qu’ils trans­mettent.

Initia­le­ment héri­tés des MOOC, les conte­nus des forma­tions ont, à leur début, été compo­sés de vidéos; malgré l’en­cou­ra­ge­ment à parti­ci­per en commen­taires, ce format favo­rise une péda­go­gie plutôt descen­dante, voire “magis­trale”, avec une rela­tion Forma­teur – Savoirs mise en valeur.

Les “tuteurs-experts”

Tenant compte des limites de cette posture, les forma­tions Unow ont de plus en plus tendance à encou­ra­ger des postures de faci­li­ta­teurs, en privi­lé­giant d’autres méthodes de trans­mis­sion. C’est le cas des vidéos “témoi­gnages” par exemple, où un inter­ve­nant partage son expé­rience, sans pour autant prétendre à être expert du domaine. C’est égale­ment l’objec­tif des acti­vi­tés retours d’ex­pé­riences effec­tuées par les parti­ci­pants eux-mêmes.

La spéci­fi­cité du format à distance rend aussi la rela­tion péda­go­gique complexe (Lameul, 2006). Pour tenter de répondre à cet enjeu, Unow annexe la posture de tuteur à celle de l’ex­pert. La posture de tuteur implique de mobi­li­ser l’ap­pre­nant sur une variété de dimen­sions (Moiraud, Rodet, 2011).

Les “tuteurs-experts” de Unow composent ainsi avec ces deux postures, et se posi­tionnent comme spécia­listes légi­times du domaine, tout en soute­nant les appre­nants pour les aider à atteindre leurs objec­tifs. Ils cherchent aussi à rompre l’iso­le­ment qui va parfois de paire avec la forma­tion à distance.

Comment on pour­rait aller plus loin

Conscien­ti­ser les postures

La posture de tuteur-expert chez Unow conti­nue d’être explo­rée à l’aune des retours d’ex­pé­riences appre­nantes. Elle gagne progres­si­ve­ment en préci­sion. Avoir un regard réflexif sur les objec­tifs de nos forma­tions, permet de déga­ger les axes que nous souhai­tons mettre le plus en valeur entre :

Forma­teur – Appre­nant
Appre­nant – Savoirs
Forma­teur – Savoirs

Obser­ver, ques­tion­ner et encou­ra­ger nos experts à conscien­ti­ser leur pratique nous permet ensuite de réflé­chir aux gestes et choix langa­giers visibles dans les vidéos, les classes virtuelles et les réponses en commen­taires. Certaines études proposent par exemple d’in­ter­ro­ger la ques­tion du degré de présence/absence du forma­teur dans les forums (Nissen, Poyet, Soubrié, 2017). On peut ainsi s’as­su­rer de l’adé­qua­tion entre la posture des forma­teurs Unow, les objec­tifs des forma­tions et ceux des appre­nants.

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Diver­si­fier les postures

Unow a déjà commencé à intro­duire la posture du faci­li­ta­teur avec les vidéos témoi­gnages, où le forma­teur ne prétend pas être déten­teur du savoir mais “partage ce qui a fonc­tionné pour lui”.

Par ce simple posi­tion­ne­ment non hiérar­chique par rapport aux appre­nants, l’ex­pert s’éloigne de sa posture de “sachant”, sans pour autant se décré­di­bi­li­ser aux yeux des appre­nants. Il déve­loppe une posture hybride de “pair-expert” (Drae­lants, 2007).

Les classes virtuelles peuvent aussi être des lieux propices au déve­lop­pe­ment d’une posture de faci­li­ta­teur. Lorsqu’une ques­tion est posée, le faci­li­ta­teur encou­rage les autres parti­ci­pants à y répondre, et oriente les discus­sions. 

Par cette méthode, on encou­rage les appre­nants à ne pas se repo­ser sur le savoir de l’ex­pert, mais à parta­ger leurs compé­tences et trou­ver les solu­tions par eux-mêmes.

Mettre en valeur la posture des appre­nants

On pour­rait pous­ser encore davan­tage cet effort d’éman­ci­pa­tion de l’ap­pre­nant en propo­sant des forma­teurs en posture de “non savoir”, qui pous­se­raient les parti­ci­pants à refor­mu­ler leurs appren­tis­sages et à eux-mêmes se visua­li­ser comme ayant un poten­tiel de forma­teurs.

En réflé­chis­sant à la posture qu’ont les appre­nants dans nos forma­tions (et à celles qu’on souhai­te­rait encou­ra­ger chez eux), on souligne que les amener à la maîtrise d’un contenu à l’ins­tant T ne suffit pas. En effet, il faut accom­pa­gner le proces­sus d’ap­pren­tis­sage en continu pour leur permettre de déve­lop­per un sens critique en mobi­li­sant diffé­rentes sources d’in­for­ma­tion (Bing­geli, 2016).

Sources et +

BILLET, P. (2017), « Rela­tion média­tion/média­ti­sa­tion en forma­tion et en e-lear­ning » [en ligne], capfor­mex­press.fr Dispo­nible ici

BING­GELI, A. (2016), « Quelles compé­tences pour le forma­teur d’adultes de demain ? », Agora, 12, Dispo­nible ici

DRAE­LANTS, H. (2007), « Entre le pair et l’ex­pert, trou­ver la distance qui convient. Une ques­tion de légi­ti­ma­tion pour le conseiller péda­go­gique ? », Recherches socio­lo­giques et anthro­po­lo­giques, 38–1 | 2007, 163–182.

HOUS­SAYE, J (2000), Le triangle péda­go­gique. Théo­rie et pratiques de l’édu­ca­tion scolaire, Peter Lang, Berne, (3e Éd., 1re Éd. 1988)

JORRO, A. (2014), « Ethos profes­sion­nel », Diction­naire des concepts de la profes­sion­na­li­sa­tion, De Boeck Supé­rieur. pp. 109–112

JORRO, A. (2016), « Postures et gestes profes­sion­nels de forma­teurs dans l’ac­com­pa­gne­ment profes­sion­nel d’en­sei­gnants du premier degré ». eJRIEPS (En ligne), n° 2, avr. 2016, pp. 114–132, Dispo­nible ici

LAMEUL, G. (2006). Former des ensei­gnants à distance ? Etude des effets de la média­ti­sa­tion de la rela­tion péda­go­gique sur la construc­tion des postures profes­sion­nelles. Thèse de docto­rat inédite, Univer­sité Paris Ouest La Défense, Paris.

MOIRAUD, J., RODET, J. (2011), « Tuto­rat et/ou accom­pa­gne­ment…”, présen­ta­tion au Regrou­pe­ment natio­nal e-forma­tion, ESEN – 12 octobre 2011, Dispo­nible ici

MULIN, T. (2014), « Posture Profes­sion­nelle » dans JORRO, A. (2014), Diction­naire des concepts de la profes­sion­na­li­sa­tion, De Boeck Supé­rieur. pp. 213–216

PAUL, M. (2004), L’ac­com­pa­gne­ment, une posture profes­sion­nelle spéci­fique ? Paris: L’Har­mat­tan.

POYER, F., NISSEN, E., SOUBRIE, T. (2017), Inter­agir et apprendre en ligne, UGA Editions.

SALVI, I et al. (2017), Guide de la posture d’ac­com­pa­gne­ment du forma­teur, de la forma­trice APP, Dispo­nible ici

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