Réglementation et financements de la formation : ce que les responsables formation observent sur le terrain
Financements publics, FSE+, IA, RSE, soft skills : découvrez ce que les responsables formation observent sur le terrain et les évolutions nécessaires.
Par Iman Miquel – Le 5 décembre 2025
Comment les entreprises mobilisent-elles aujourd’hui les financements publics pour former leurs équipes ? Quel rôle joue le FSE+ dans l’essor de la RSE et de l’IA ? Quelles évolutions attendent-elles d’un cadre réglementaire souvent jugé complexe ? Et, plus largement, quels sont les enjeux de formation encore trop peu abordés dans les organisations ?
Autant de questions posées dans le cadre d’un format court et dynamique, diffusé pendant le Printemps de la Formation 2025.
Six professionnels de la formation ont partagé leur retour d’expérience : Jordan Defas, Learning, Development & Culture Director chez Doctolib, Stéphanie Gay, HR & Learning Business Partner chez Kiabi, Pierre Nicolas, Responsable Formation à la Société Générale, Céline Hue, Responsable Formation BU France Suisse chez RATP Dev, Naomi Follet, Talent Development Manager chez Cheerz, et Perrine Renevey, Cheffe de projet learning à la Direction Formation France et Groupe chez SUEZ.
Tour d’horizon de leurs constats, priorités… et messages clés pour mieux comprendre les dynamiques actuelles du financement et de la réglementation de la formation.
Financements publics de la formation : entre opportunités et lourdeurs administratives
Pour les responsables formation, les financements publics restent un levier essentiel, mais leur mobilisation révèle un paysage contrasté. Naomi Follet, Talent Development Manager chez Cheerz, rappelle que certains dispositifs ont été décisifs pour soutenir des projets structurants, comme la montée en compétences autour de l’IA. Le FNE, en particulier, a permis de financer leur masterclass et leur programme d’ambassadeurs IA, confirmant son rôle de catalyseur dans les transformations émergentes.
D’autres organisations peinent encore à activer ces dispositifs. Jordan Defas, Learning, Development & Culture Director chez Doctolib, souligne que l’entreprise a très peu utilisé les financements publics jusqu’ici et souhaite y recourir davantage. À l’inverse, Céline Hue, Responsable Formation BU France Suisse chez RATP Dev, travaille étroitement avec les OPCO Mobilités et Atlas pour optimiser le financement de son offre, rappelant l’importance de cette collaboration pour élargir l’accès à la formation.
Chez SUEZ, Perrine Renevey, Cheffe de projet learning, exprime une position pragmatique : chaque dispositif fait l’objet d’un arbitrage entre le gain potentiel et la charge administrative associée. Le FNE, le CPF ou encore l’EFT ont été activés lorsqu’ils apportaient une réelle valeur ajoutée. En revanche, le FSE est jugé trop contraignant, au point de devenir contre-productif.
Ces témoignages convergent vers un constat commun : si les financements publics offrent un véritable soutien, leur complexité continue d’en limiter l’usage. Une simplification des démarches apparait comme un levier majeur pour permettre aux entreprises d’en tirer pleinement parti.
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FSE+ et nouveaux sujets de formation : un levier pour accompagner les transformations IA et RSE
L’évolution rapide des compétences requises pousse les responsables formation à explorer de nouveaux dispositifs, notamment le FSE+, pour financer des projets liés à la RSE et à l’intelligence artificielle. C’est dans cette dynamique que Céline Hue (RATP Dev) prévoit d’activer le FSE+ pour deux axes clés : une formation dédiée à la RSE et un programme portant sur le management de projets complexes intégrant l’IA. Pour elle, ce financement constitue un levier stratégique permettant de soutenir des transformations profondes, au-delà des seules formations réglementaires.
Chez Cheerz, Naomi Follet (Cheerz) partage une expérience similaire. Son entreprise a déjà mobilisé le FSE+ pour accompagner des initiatives autour de la transition écologique, notamment la mise en place de fresques du climat. Ces actions ont contribué à ancrer durablement les enjeux RSE dans les pratiques internes. Aujourd’hui, Cheerz possède en interne les compétences nécessaires pour animer ces ateliers, réduisant ainsi son recours aux financements externes.
Ces retours illustrent une réalité commune : les dispositifs tels que le FSE+ servent souvent de catalyseur pour tester, accélérer ou structurer de nouvelles approches de formation, avant que les entreprises ne gagnent en autonomie. Ils apparaissent donc comme des soutiens essentiels dans les transformations émergentes, en particulier celles liées à l’IA, à la durabilité et aux nouvelles formes de management.
Cependant, leur mobilisation reste étroitement liée à la capacité des organisations à naviguer dans un environnement administratif exigeant, où chaque dispositif doit être évalué avec soin.
Un cadre réglementaire à simplifier pour répondre aux nouveaux besoins de formation
Face à la transformation rapide des compétences, les responsables formation expriment un besoin clair : un cadre réglementaire plus souple, plus lisible et mieux aligné avec les réalités du terrain. Pour Jordan Defas (Doctolib), l’enjeu majeur réside dans la reconnaissance officielle des soft skills. Il appelle de ses vœux la création d’un référentiel national, soutenu par France Compétences, qui permettrait de financer plus facilement ces compétences comportementales essentielles. Il souligne également l’importance d’ouvrir davantage le CPF à ces formations, notamment au coaching, qu’il considère comme un levier fort d’accompagnement individuel.
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La question de la complexité administrative revient dans plusieurs témoignages. Céline Hue (RATP Dev) insiste sur la nécessité de simplifier les démarches, souvent lourdes et chronophages, qui freinent l’accès à certains dispositifs. Elle souligne aussi le manque de financement pour des projets plus innovants ou transverses, qui sortent du cadre strictement réglementaire, pourtant indispensables face aux transformations technologiques et organisationnelles.
Du côté de Perrine Renevey (SUEZ), le constat est encore plus direct : le règlement actuel est déconnecté des pratiques modernes de formation. Elle rappelle que des notions comme le nombre d’heures n’ont plus vraiment de sens à l’heure du digital. Pour elle, l’enjeu est double : alléger les contraintes et adapter le cadre réglementaire aux formats contemporains, tout en reconnaissant officiellement les soft skills à travers des parcours certifiants.
Ces retours convergent vers un besoin d’évolution structurelle pour que la réglementation accompagne réellement les dynamiques actuelles de développement des compétences.
Compétences, IA responsable, coaching augmenté : les enjeux encore trop peu abordés
Au-delà des aspects réglementaires et financiers, les responsables formation identifient plusieurs enjeux majeurs encore insuffisamment explorés dans les entreprises. Pour Stéphanie Gay (Kiabi), la question du temps d’acquisition des compétences devient centrale. Les cycles de montée en compétences se sont considérablement raccourcis, rendant obsolètes les modèles où l’on pouvait planifier des évolutions professionnelles sur plusieurs années. Elle insiste sur la nécessité de repenser les cartographies de compétences, en intégrant explicitement ce critère du délai d’apprentissage, devenu un véritable facteur stratégique.
Du côté de Pierre Nicolas (Société Générale), l’enjeu porte sur l’équilibre entre le développement rapide de l’IA et l’impératif de réduction de l’empreinte carbone. Les entreprises accélèrent la formation sur l’IA générative, tout en portant une attention accrue aux impacts environnementaux du numérique. Selon lui, la boussole reste encore floue, et il faudra poursuivre les travaux pour identifier un chemin durable conciliant performance et responsabilité.
Naomi Follet (Cheerz) évoque également l’importance croissante de l’IA responsable et de l’éducation des collaborateurs à un usage plus éclairé des outils technologiques. Une priorité qui rejoint celle de Jordan Defas (Doctolib), convaincu du potentiel du coaching boosté par l’IA. Il y voit une voie pour démocratiser l’accompagnement personnalisé, aujourd’hui freiné par son coût, et offrir aux apprenants un véritable compagnon d’apprentissage, accessible au quotidien.
Enfin, Céline Hue (RATP Dev) rappelle que la formation doit être perçue non comme une contrainte, mais comme un levier de développement personnel. Elle souligne l’importance de diversifier les formats et de renforcer la dimension ludique et engageante des parcours pour ancrer durablement la culture de l’apprentissage.
Ces témoignages montrent un paysage en transition : des financements publics essentiels mais encore complexes, un cadre réglementaire qui peine à suivre les évolutions et des enjeux émergents : IA responsable, soft skills, temps d’acquisition, qui redéfinissent les priorités.
Pour les responsables formation, l’enjeu est désormais clair : accompagner la montée en compétences tout en appelant à un environnement plus simple, plus adapté et plus agile.
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